Critique très courte d'un livre très court, seulement 84 petites pages.
Suggestion de musique d'accompagnement pour ceux qui, comme moi, sont incapable de lire dans le silence, pour ceux dont l'imagination se doit d'être stimulée par des notes: Sonate au clair de lune de Beethoven.
De la tristesse du premier mouvement à la gaieté du second, en passant par la virtuosité mystique du troisième, chef-d'oeuvre de la musique classique, le morceau semble taillé pour le court récit conté par un narrateur banal.
Un narrateur plus prompte, comme nous, à ce laisser impressionner par le pianiste vénusien.
Je retiendrai de ce livre un passage qui dépasse la simple nouvelle, le simple récit écrit en toute vitesse et qui se relit sans fin, nous faisant ignorer que le sablier coule et se retourne. Ce passage, c'est celui de la confrontation entre les deux pianistes. Même Jelly Roll, adversaire de celui dont l'histoire est contée, qui nous est présenté comme un Narcisse mauvais perdant, arrive à nous émouvoir de par les descriptions de sa virtuosité et de son style de jeu, celui d'effleurer les touches du piano comme de la soie d'une robe de dame pour que les clients de la maison close ne soit gêné par le contact entre les touches noires et blanches et le bois du clavier, mais plus pour qu'il soit transporté par la partition transformée.
La musique résonne dans notre tête, et ce n'est possible que par le style d'Alessandro Barrico, léger et propice au vagabondage de l'imagination de son lecteur, qui oublie sa condition de lecteur pour devenir passager du bateau. Au moment du duel de pianiste, nous sommes un spectateur de troisième classe qui écoutons les notes "qui n'existent pas" sortir des quatre mains de Novecento.
Ce livre, aussi court qu'il soit, est une pièce maîtresse du peu de romans que j'ai pu lire dans ma vie, et c'est humblement que je le conseille pour ceux qui souhaitent occuper 45 minutes d'une après-midi...