Je ne savais pas trop bien de quoi parlait Take Shelter. j'ai lancé la bande annonce juste avant le film. Je me souviens que j'étais curieux de le voir à l'époque de sa sortie en salle, mais je n'avais pu y aller.

Take Shelter m'a laissé mitigé.

La construction sur la folie m'a semblé être très intéressante. Toutefois c'était lent, trop lent et ça manquait clairement de peps, de couille, de jusqu'au-boutisme ; tout est mou, tout est gentil. Les séquences de rêves, notamment, auraient pu amener un décalage dans le ton, l'auteur aurait dû y être plus extrême ; c'est là l'occasion manquée de rendre le film plus audacieux, plus vivant, plus fou... et donc plus en phase avec son sujet. Ensuite il manque de scènes rappelant le mal être du personnage par rapport aux rêves. Les rêves sont ce qui le fait chavirer petit à petit, mais on ne le ressent pas vraiment en fait, les rêves sont mal exploités dans la réalité, on les oublie vite (le chien par exemple est tellement absent qu'on ne le voit même pas en arrière plan...).

Je pense aussi que la scène dans l'abri (avant dernière scène du film) était complètement inutile tant elle rappelle la scène précédente, le repas, beaucoup plus forte.

Je vais spoiler : Lors de la scène du repas, Curtis éclate comme jamais auparavant dans le film, c'est là que le spectateur peut enfin se rendre compte de l'ampleur de sa folie (!), mais c'est là aussi que Curtis se rend compte de son propre problème et ce grâce à une efficacité impressionnante d'écriture : le regard de sa fille! Le regard révélateur comme miroir est très difficile à manier ; dans Closer il y a une scène similaire avec Jude Law qui se regarde dans un miroir et se rend compte alors de toute sa stupidité. Ce sont des moments magiques au cinéma car ce sont des moments d'évolution faits tout en finesse. Ce moment est donc très réussi et nous donne toutes les info que nous avons besoin de savoir.
La scène dans l'abri est par contre trop appuyée et n'est qu'une répétition de ce qu'on sait déjà : Curtis est fou. L'auteur se contente alors de jouer avec des retournements de situation (tiens finalement il y a une vraie tempête, il avait raison... ah ben non c'était pas très violent au final, il est bel et bien fou). Ce petit jeu perturbe la fin qui joue justement avec l'ultime twist. Sauf que trop de twist coule Saint Tropez! Personnellement qu'un réal s'amuse à me faire croire un truc puis un autre, puis encore un autre, ça m'agace. Donc, vraiment, j'insiste, je trouve la scène d'abri inutile. Ç'aurait même été encore plus beau que l'abri ne serve jamais!
Quant à la fin, elle rend vain tout ce qui faisait l'intérêt du film jusque là : la construction de la folie s'avère finalement inutile. C'est un artifice qui ne fout pas tout le film en l'air, mais ça reste un artifice dont on aurait pu se passer car une conclusion inverse (Curtis est réellement fou) aurait permis un approfondissement ultime de la critique faite par l'auteur. Fin du spoil!


Le scénario m'a donc déçu malgré un sujet intéressant et de bonnes idées ; c'est trop mou, et contradictoire. La mise en scène est bien plus pertinente. Les plans sont très beaux, superbement composés, en totale alchimie avec le sujet et le lieu. Le découpage minimaliste fonctionne également, c'est pourquoi je me permets de revenir sur les rêves sous exploités à mon avis car cela aurait pu amener un décalage dans la mise en scène. Les acteurs sont bons ; j'ai découvert Shannon dans Bug et depuis je le considère comme une valeur sûre. Même la petite fille se montre convaincante, ce qui est un très bon point vu les lacunes en général de ce point de vue là.

Bref, Take Shelter brille par sa mise en scène, mais manque singulièrement de couille sur le fond. C'est dommage, toutefois le film se laisse regarder sans trop de problème
Fatpooper
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le 20 janv. 2013

Modifiée

le 20 janv. 2013

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Fatpooper

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