But now I'm safe in the eye of the tornado !
Curtis se réveille depuis quelques jours en sueur, éjecté de rêves étranges pleins de nuages noirs et d'une pluie lourde, ambrée comme de l'huile de moteur.
Il est modeste ouvrier - foreur dans une petite ville tranquille des badlands rongée par la crise, perçant le sol pour que soient érigés des constructions qu'on ne voit jamais. Il vit heureux avec sa très jolie femme et leur fille malentendante, boit une bière avec son meilleur pote (Shea Whigham) à l'occasion, tout semble être au poil pour lui. Mais dès qu'il se couche, ses rêves se transforment en cauchemars inquiétants, qui lui indiquent que son univers est sur le point de basculer.
Tel Cassandre, il sent que quelque chose se prépare, mais il ne peut rien dire sans passer pour un dingue auprès de son entourage. Alors il agit, inquiète les gens autour de lui qui veulent l'aider mais ne parviennent qu'à l'enfoncer un peu plus: tel Donnie Darko, Curtis LaForche attends l'apocalypse, au grand désarroi de ses pairs et en particulier de sa femme.
Mais contrairement au héros adolescent de Richard Kelly, cet homme (incarné par le génial Micheal Shannon, qui rends à merveille la dualité de son personnage) a la quarantaine, et la seule chose qui l'importe c'est de sauver sa famille. A tout prix.
Enigmatique à souhait, Take Shelter est un film d'angoisse efficace, et un très beau conte sur la paranoïa.
Jeff Nichols démarre son film très fort, mêlant la vie tranquille de son petit ouvrier à de superbes scènes oniriques empruntant les codes du cinéma fantastique et d'horreur.
"Am I the only one seeing this ?" s'exclame-t-il, en contemplant une lande déserte frappée par une foudre tentaculaire et tonitruante. Possible. Et, rationnel, il tente de trouver une explication psychologique à son mal-être. Mais s'il avait raison après tout ?
Je regrette que le film se perde dans ses divagations pas forcément utiles. C'est toujours intéressant, visuellement impeccable, et la musique de David Wingo donne une ambiance particulière qui colle très bien à l'ensemble, mais il aurait peut-être été bon de réduire la durée du film d'un bon quart d'heure pour éviter ce ventre mou qui plombe l'ensemble. C'est la seule chose que je peux lui reprocher, Nichols retombant très bien sur ses pattes dans les vingt dernières minutes, et dans la pirouette finale qui rappelle invariablement l'excellent Magnolia.
Bref un très beau film, peut-être un peu trop prévisible, mais surtout une très belle façon d'explorer les thèmes difficiles de la folie et de la crise économique. Auteur à suivre.