Je mets rarement 10 à un film, surtout un film fantastique récent. Le cinéma fantastique peine énormément à me convaincre depuis l'avènement des effets spéciaux numériques, que je trouve généralement sans âme et qui ne m'étonnent plus.
C'est donc avec beaucoup de curiosité que je souhaitais découvrir ce film dont la bande annonce stylisée et visuellement percutante (Salma Hayek dévorant un cœur énorme mi-cuit! Belles jeunes femmes rousses se promenant dans la forêt!) me rappelait les meilleures heures du fantastique de ces 40 dernières années.
Rien ne m'a déçu dans ce film, tout m'a émerveillé. Le casting est exceptionnel, les costumes sont parmi les plus beaux jamais vus au cinéma, la vision du moyen-âge de Garrone correspond parfaitement à l'image que j'en ai (crasse, boue, violence, sexe, bêtise et de rares sentiments nobles au milieu), les décors sont irréprochables, les effets spéciaux "réels" plus crédibles que la plupart des effets numériques récents et rappelant les effets spéciaux des années 80, la partition de Desplat est une de ses meilleures, et les images sont tout simplement à couper le souffle du début à la fin. Le film est visuellement somptueux.
Le scénario, quant à lui, m'a également beaucoup plu puisqu'il s'agit de contes moraux semblables aux contes de Grimm ou aux histoires populaires ayant subsisté, dont j'aime la simplicité et la portée intemporelle et métaphorique (rappellant également The Storyteller de Jim Henson, ou Shelley Duvall's Faerie Tale Theatre)*.
L'accueil plus que glacial qui fut réservé au film à sa sortie (et son incompréhensible absence des écrans U.S.! Quelle erreur incroyable!) me donne l'impression que les spectateurs actuels (voire les critiques) ne savent plus s'émerveiller devant une œuvre réussie, sont devenus trop exigeants ("des effets numériques à foison sinon rien!") ou trop geeks ("des adaptations de comics ou de jeux vidéos sinon rien!") ou trop ignorants ("hein le moyen-âge cékoiça?") pour plonger dans des univers fantastiques issus de contes philosophiques du moyen-âge.
Pourtant, c'est bien cette période historique qui a développé le genre, à travers les nombreuses légendes et mythologies qui y ont vu le jour et qui sont sans cesse réinventés. C'est de cette sagesse populaire dont les films hollywoodiens modernes sans âme ni fond sont constamment dépourvus. Et heureusement, le film n'est pas une adaptation d'un jeu vidéo ou d'un comic...
Pendant le visionnage du film, j'ai repensé à de nombreux films fantastiques que j'aime tendrement, et au niveau desquels peu de films récents ont su se hisser - jusqu'à Tale of Tales (La Compagnie des Loups, Legend, Willow, Labyrinth, Princess Bride, Ladyhawke, Time Bandits, Excalibur, le Baron de Munchausen...)*. Plus que cela, le film semble renouer avec un âge d'or du cinéma italien des années 70, durant lesquels de grosses productions réunissaient des acteurs célèbres de plusieurs horizons dans des melting-pots baroques - mais souvent réussis (par exemple, je sais pas moi, Il Était une Fois dans l'Ouest?). La qualité des décors, costumes, maquillages et de la réalisation m'ont vraiment convaincus et transportés d'une manière semblable à ces films.
En espérant que les spectateurs n'ayant pas encore vu le film le feront progressivement, je ne peux que vous recommander un visionnage cérémonieux de ce grand film.
*: si vous ne connaissez pas les œuvres citées dans cette critique, et prétendez aimer le cinéma fantastique... Comment dire... Ben restez pas là, bouche bée, allez immédiatement découvrir ces films enfin!