Soldes d'été, trois contes pour le prix d'un.

(Critique garantie presque sans spoilers)


J’ai découvert Tale of Tales avec beaucoup de scepticisme. La note SensCritique frôlait le négatif, les quelques critiques postées n’en parlaient pas vraiment en bien, et l’estampillage « pur produit du festival de Cannes » n’aidait pas vraiment à le rendre attirant. Parce qu’on ne va pas se le cacher, il faut avoir fait des études de cinéma pour apprécier les films du festival de Cannes ; mis à part quelques (trop rares) pépites, le reste est bon pour partir à la poubelle, en règle générale.


Tale of Tales raconte donc l’histoire… De trois histoires.
- Ll’histoire de cette reine stérile, qui décide de suivre les conseils d’un sorcier en tuant un dragon des mers pour manger son cœur (et perdre son mari au passage), rendant la vierge qui a cuisiné ledit cœur enceinte à son tour.
- L’histoire de ce roi queutard quelque peu axé sur les plaisirs de son entrejambe, séduit par une vieille femme ayant mystérieusement retrouvé sa jeunesse (pour devenir une rousse sacrément sexy, histoire de bien faire les choses).
- L’histoire de ce deuxième roi qui élève une puce géante, et qui, pour marier sa princesse de fille, pose une devinette compliquée aux prétendants, refusant de se dédire quand c’est un ogre (rien que ça !) qui trouve la réponse.


Ces trois histoires se mêlent et s’entremêlent sans jamais se toucher (sauf pour Vincent Cassel - pardon, blague facile), chacun des protagonistes étant dans son propre royaume.


Si les trois histoires semblent se dérouler chacune de leur côté, elles se rejoignent à la fin, reliées par un lien aussi merdique que cliché (mais nous y reviendrons plus bas). Concrètement, pris chacun à part, chaque conte est relativement intéressant, et aurait fait trois superbes films qui, avec quelques moyens techniques, auraient pu faire parler d’eux, mais pas de manière aussi controversée. Car si, chacun à part, ils auraient été intéressants, mélangés entre eux… C’est de la merde.


Filmer trois contes dans un même film gâche chacune des trois histoires sans exception, et résultat, aucun d’eux ne semble complètement approfondi. Au final, on aura juste eu l’impression de survoler rapidement chacun des trois contes sans jamais prendre quelques minutes pour se poser et s’y intéresser. Car à peine fait-on l’effort de se plonger un peu dans l’histoire, celle-ci change, passant de l’une à l’autre sans prévenir, laissant au spectateur un goût d’inachevé, et surtout perdant les moins attentifs d’entre eux, qui se demanderont (comme moi) ce qu’il s’est passé dans l’histoire qu’ils regardent quelques minutes avant. A force de passer d’une histoire à l’autre, on finit par oublier le film et ce qu’il s’y est passé, et devoir prendre systématiquement quelques secondes pour se remémorer l’histoire en question devient lassant quand cette dernière change toutes les cinq minutes.


Au final, on arrête de regarder, de réfléchir, on fixe l’écran en attendant que le temps passe tout en essayant d’oublier le (vraiment très) mauvais jeu d’acteurs auxquels on est confronté. Ou bien, dans mon cas, on perd patience et on change de film. Je regardais ça pour passer le temps et tromper l’ennui, pas pour m’ennuyer plus encore, merci bien.


C’est dommage, pourtant, car visuellement, le film envoie du pâté. Les décors sont splendides, les costumes sont magnifiques, et un jeu de lumière plus ou moins subtil s’installe tout au long du film, appuyant le jeu des couleurs utilisé tout le long (exemple facile, la reine vêtue de noir mangeant le cœur de dragon d’un rouge sang dans une pièce entièrement blanche, devenant alors le seul point de repère pour le regard et tranchant dans le décor immaculé de la pièce).


Cependant, rien de tout cela ne peut faire oublier le mauvais ficelage du film, et le jeu d’acteurs tellement mauvais que même nos mauvais acteurs français paraissent bons à côté d’eux (coucou, Kev Adams et Max Boublil !), ce qui n’est pas peu dire. L’intonation est pour ainsi dire inexistante, ou tellement forcée sur certains passages que ça en devient ridicule. Déjà qu’on passe le film à subir un passage quelque peu brutal pour aller d’une histoire à l’autre, on aurait au moins attendu quelque chose de la part des acteurs. Mais non. Durant les deux heures qu’a duré le film, ils ont eu l’air autant passionnés que moi par ce dernier, ce qui est quand même un comble quand on pense qu’ils sont sensés rendre ça quelque peu crédibles pour le spectateur qui a claqué entre 8 et 10 euros pour voir ça au cinéma (parce que oui, il y a vraiment des gens qui ont payé pour aller voir ça, c’est incompréhensible).


Et est-ce parce que je suis féministe, ou j’ai vu dans ce film une réflexion sur les femmes aussi subtile qu’un éléphant dans un magasin de porcelaines fines ? Car oui, tel est le lien qui relie les trois histoires entre elles. Les femmes. Chaque histoire se centre sur une femme, chacun ayant un âge différent, et sur les préoccupations qui l’habitent tout au long de sa vie (du moins selon un point de vue aussi évolué que Christine Boutin - pardon, blague facile numéro deux).
- La première d’entre elles est une jeune fille rêveuse, qui ne pense qu’au mariage et au prince charmant, brûlant d’un désir de grandir et d’être indépendante qui se retournera contre elle vu qu’elle sera mariée de force à un ogre (qui la violera, bien entendu, sinon où serait le plaisir ?).
- La deuxième d’entre elles est une reine stérile prête à tout pour devenir mère, quitte à buter un dragon, y laisser son mari dans le processus, et enfermer son rejeton dans un amour exclusif et étouffant.
- La troisième d’entre elles est une vieille femme n’acceptant pas le vieillissement de son corps, redevenant jeune l’espace d’un instant, avant que la nature ne reprenne ses droits.


C’est bon, vous l’avez ? La femme de base d’il y a sept siècles ? Une jeune fille pressée de grandir, se transformant en femme pressée d’être mère, se transformant en vieille femme qui se cache pour que personne ne la voie. Vraiment, merci, l’image des femmes dans ce film, c’était vraiment top.


En conclusion : ce film était mauvais. On nous raconte des images, les trois histoires se coupent entre elles pour mieux perdre le spectateur, et la beauté graphique ne rattrape ni ces défauts, ni le jeu d’acteur aussi expressif qu’une coquille vide. C’est ce qu’était ce film. Une coquille vide. Je n’ai même pas réussi à tenir tout au long du film, manquant presque de m’endormir à plusieurs reprises tellement ce dernier était fascinant.


Au final, chacune de ces histoires a hérité d'un 1 pas très sympathique, mais comme il y a trois histoires dans le film, ce dernier écope d'une note peu charitable de 3/10. Soyez content, monsieur Garrone, et par pitié, ne faites pas de film où dix histoires s'entremêlent pour essayer d'avoir le top de la note SensCritique.

Champifeuille
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le 5 janv. 2016

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