Des problèmes, on en a tous. Il faut bien les régler d'une façon ou d'une autre. Tenez, Rebeca adore sa mère Becky, mais que pèse une fillette pour une diva assoiffée de gloire ? Rebeca subit aussi la valse des beaux-pères. L'un d'eux exige que sa femme le consulte avant d'aller jouer aux antipodes et reproche à Rebeca d'écouter aux portes... Celle-ci résout le problème avec un sens pratique inattendu.
Quinze ans après avoir abandonné Rebeca pour se consacrer à sa carrière, Becky revient à Madrid, où sa fille s'est mariée avec un ex-amant. Rebeca est fière d'avoir réussi là où sa mère a échoué, mais Manuel, désenchanté, songe au divorce. Directeur d'une chaîne télé, il collectionne les minettes de l'entreprise où Rebeca présente le journal. Manuel drague Becky avec succès. Quelle double jouissance de piquer le mari de sa fille ! Comme Rebeca, mouche hypocrite, pratique toujours l'art perfide d'écouter aux portes...
Marisa Paredes (Becky) et Victoria Abril, en jeune femme BCBG qui adore sa mère et son mari mais tranche les problèmes au scalpel, alternent embrassades et coups vaches avec désinvolture. Et le caméléon Miguel Bosé (le juge Eduardo Domínguez) incarne les faux semblants de cette fable du travestissement. Trente ans après sa sortie, "Talons aiguilles" n'a plus le même impact (César du meilleur film étranger en 1993). Les scènes osées le sont moins : le numéro de chant du travesti imitant Becky (singé par des groupies extasiées) ou la scène de sexe dans sa loge avec Rebeca. Les danses synchronisées des taulardes frisent le ridicule... Ce film transformiste zigzague du mélodrame familial à l'enquête judiciaire, de l'aveu d'un meurtre à la télé à la comédie musicale carcérale surréaliste... Almodovar mitraille tous azimuts dans tous les genres !
La bande originale de Ryūichi Sakamoto donne le tempo. Et deux chansons "Piensa en me", reprise d'une chanson mexicaine de 1937 composée par Agustín Lara et "Un año de amor", composée par Nino Ferrer et Gaby Verlor en 1963 sont d'incontournables rengaines. Leur carrousel, tel un orgue de barbarie détraqué, se grave dans la cervelle, y creuse ses mélodies sirupeuses. Luz Casal les interprète avec chaleur (chantonnons sur l'air si célèbre) :
"Si tu ressens une peine profonde, pense à moi
Si tu as envie de pleurer, pense à moi
Pense à moi quand tu souffriras
Quand tu pleureras, pense à moi aussi..."