Dans sa prolifique carrière, Patrice Leconte n’a pas tout réussi. Il a cependant eu ce souci d’essayer de se renouveler, de se frotter à des genres différents et à des tons qui n’étaient parfois pas le sien. À l’exemple ce Tango dans sa période où il a aimé travailler avec Jean Rochefort, Philippe Noiret et Jean-Pierre Marielle. De cet implacable trio avec qui il travaillera trois ans plus tard pour Les Grands Ducs, il invite ici pour la première fois avec Philippe Noiret pour former un autre trio, intergénérationnel, celui-là, avec trois têtes d’affiche au registre différent. Lui-même s’attèle à une tâche délicate, à savoir celle de s’inscrire, en quelque sorte, dans les pas de Bertrand Blier. Avec un thème central qui relève évidemment plus de la phallocratie que de la misogynie, il propose un road-movie atypique servi plus que par des dialogues beaucoup plus incisifs qu’à l’accoutumée plutôt que par les péripéties qui sont propres au genre. Bien entendu, le film est un assemblage de rencontres plus ou moins insolites mais le verbe domine l’action. Au cœur de situations absurdes que n’aurait pas renié justement Bertrand Blier (les scènes de restaurant notamment), les trois personnages plus pathétiques les uns que les autres n’osent pas s’avouer que leur faiblesse est l’amour des femmes et leur profonde solitude sans elles.
Certains mots atteignent leurs cibles tandis que d’autres tombent à plat. Les grandes phrases ornées de mots vulgaires sonnent plutôt mal dans la bouche d’un Noiret ou d’un Lhermitte, et les monologues intérieurs des uns et des autres manquent de justesse. Par ailleurs, le chemin des personnages est un peu court alors que le road-movie en lui-même ne doit à peine durer qu’une heure, preuve que Patrice Leconte n'a, au fond, pas la matière pour nourrir tout un film. Il n’empêche que ce film, qui n’a pas connu un grand succès en son temps, et qui est resté assez éloigné des écrans télévisés, ne mérite peut-être pas cette évidente confidentialité. D’abord parce que l’ensemble se suit avec un certain amusement. Ensuite parce que le trio et ses acteurs de passage sont de qualité. Enfin parce qu’il comporte de bons moments.
Bien entendu, on sent que Patrice Leconte doit forcer sa nature pour livrer une partition qui n’est pas la sienne. Le résultat souffre, à ce titre, de nombreuses maladresses, aussi bien dans l’écriture des dialogues que dans le peu de péripéties proposées. Mais, en dépit de son ton volontiers absurde, il ne se perd jamais et offre un final qui a du sens. Par ailleurs, on y trouve un véritable goût pour les espaces qui témoigne d’une équipée agréable, en premier lieu pour son auteur qui sortait de trois films plutôt noirs. Soit tout un ensemble d’arguments qui peuvent encourager à une certaine indulgence.
6,5