Étienne Chatillez aura marqué la comédie française, notamment avec son envie de bousculer et de mettre à mal la bourgeoisie. Le bonhomme en aura tiré des films qui auront marqué bien des générations de par leurs postulat, efficacité et humour ne prenant personne avec des pincettes (La vie est un long fleuve tranquille, Tatie Danielle, Le bonheur est dans le pré). Bref, le réalisateur était un grand nom pour notre cinéma humoristique. Et si nous entamons cette critique au passé, c’est que depuis quelques années, le pauvre Chatillez a bien du mal à retrouver sa gloire d’antan. Enchaînant pour le coup des films qui passent inaperçus (La confiance règne) ou qui se font incendier par la critique (Agathe Cléry). Ou même les deux (L’oncle Charles), c’est pour dire ! Est-ce pour cette raison qu’il nous revient en cette année 2019 – soit sept ans après L’oncle Charles, son dernier long-métrage en date – avec une valeur sûre, à savoir la suite de Tanguy, son dernier plus gros succès (commercial et critique) datant déjà de 2001 ? Peut-être bien… Après tout, pourquoi pas ? Mais était-ce bien nécessaire ? Telle est la question qu’il faut véritablement se poser.
Il faut tout de même avouer qu’aux vues des bandes-annonces et de la promotion du film, Chatillez avait trouvé le point de départ idéal pour aborder cette suite. Et pour cause, comment faire revenir le fils de sa vie idyllique (avec femme et enfant en Chine, pays qu’il affectionne) et le réinstaller confortablement dans le cocon familial ? Eh bien en traitant la thématique de la rupture ! Son épouse l’ayant quitté, ce cher Tanguy revient donc auprès de ses parents en compagnie de sa fille, profitant de son abattement pour refaire son nid. Ajoutez à cela le milieu bourgeois que Chatillez se fait une joie de pointer du doigt avec malice (l’appartement luxueux, les parents passant leur temps à jouer au golf…), et cette suite avait de quoi titiller notre intérêt en marchant dans les pas de son aîné. D’autant plus qu’il est délectable de retrouver Éric Berger dans la peau de ce Tanguy toujours aussi mou du genou, adepte des proverbes chinois et sans gêne. Sans oublier l’inénarrable couple que forment Sabine Azéma et André Dussollier tout en s’amusant toujours comme des petits fous. Les retrouvailles se font avec beaucoup d’amusement et, sur ce point, le film parvient à nous satisfaire sans le moindre effort.
Et c’est bien là tout le problème du film. « Sans le moindre effort »… Jouant à fond la carte de la nostalgie et misant tout sur le retour de ses personnages, Étienne Chatillez en a carrément oublié d’en faire un long-métrage digne de lui. Certes, le réalisateur/scénariste prend le temps de planter le décor et de faire entrer son élément perturbateur. Mais il le prend de manière excessive ! Pour dire, Tanguy a beau entrer en scène que le film ne décolle toujours pas, préférant s’attarder sur la déprime du personnage et le soutien de ses parents qui ne voient pas le cauchemar qui va recommencer. Il faudra même attendre le milieu du film pour qu’ils se rendent compte que leur fils rejoue les pique-assiettes et décident enfin à vouloir le « virer » de leur appartement. Attendre le milieu du visionnage pour que les choses démarrent enfin… De la part d’une comédie et surtout d’une suite, cela en est presque insultant pour le spectateur, qui s’impatiente alors de rire. Certes, il y a les personnages, les répliques et les situations qui feront sourire, mais ce n’est clairement pas suffisant.
Et quand l’histoire prend enfin la décision de prendre son envol, c’est pour s’écraser aussitôt. Les gags utilisés pour faire fuir Tanguy et sa fille ? Ils sont principalement recyclés (les fameuses vis des barres de seuil) et ne constituent que 5% du métrage. L’humour vachard propre au premier opus ? Cantonné au politiquement correct et ne dépassant jamais la limite du « gentillet ». En seulement deux points, vous avez la preuve qu’ Étienne Chatillez ne s’est nullement foulé pour concevoir cette suite. Et si vous n’êtes toujours pas convaincus, regardez donc le film jusqu’au bout et vous vous rendrez compte que le réalisateur s’est lancé dans ces retrouvailles sans réellement savoir quoi faire. Car après avoir, semble-t-il, entièrement exploité son postulat, le bonhomme sort de son chapeau magique bien des retournements de situation pour faire durer l’entreprise. Le retour impromptu de la femme de Tanguy, sa fille enceinte, l’accident des parents les clouant au lit, la famille chinoise qui vient s’installer pour la naissance du bébé… Le scénario va dans toutes les directions possibles sans – contrairement à sa mise en place – prendre le temps de se poser et de concocter un dénouement qui ait du sens. Au lieu de ça, le film se termine d’un coup, sans raison, nous balançant à la figure son générique. Comme si Chatillez ne savait pas quoi raconter qui justifierait un visionnage d’une heure et demie à tel point qu’il n’a pas daigné offrir à son film une fin. Alors oui, le sort qu’il a réservé aux parents reflètent bien son envie de casser la bourgeoisie – le couple se retrouvant en quelque sorte puni d’avoir vécu dans la paresse et l’oisiveté. Mais ce n’est pas une excuse pour clore l’histoire n’importe comment !
Tanguy, le Retour a beau être sympathique car faisant tout de même sourire, le long-métrage se plante haut la main dans ses objectifs. D’une part, il ne parvient pas à se hisser à la hauteur de son prédécesseur. De l’autre, il n’arrive pas à surpasser des comédies populaires douteuses qui font pourtant les beaux jours du box-office français (Qu’est-ce qu’on a encore fait au Bon Dieu ?, dernier gros exemple en date). Quant à Étienne Chatillez, le cinéaste n’est décidément plus que l’ombre de lui-même. Car même en reprenant un ancien succès, il réussit l’exploit de se louper autant que ses dernières réalisations. Et ce en jouant la carte de la fainéantise alors qu’il aurait mieux valu montrer au public ce qu’il avait encore sous le capot. Et pour les producteurs, ils seraient peut-être temps d’arrêter les suites de vieilles comédies parce que jusque-là, c’est tout simplement l’hécatombe (Les Bronzés 3, La Vérité si je mens ! 3, Les Visiteurs : la Révolution…).
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