Pour faire court, et pour parler d'abord de son sujet, c'est un film qui l'aborde avec pertinence par la dialectique qu'il propose. Contrairement à ce qui est ressorti de la polémique créée aux US, en partie suite aux propos de Marin Alsop, le film s'empare au contraire avec intelligence de certains sujets sociétaux de notre époque par une approche complexe des notions d'emprise, de manipulation et de pouvoir. Le film propose de dépasser le conflit d'une société contemporaine qui serait divisée entre le progressisme de la cancel culture et le conservatisme : vision avant tout médiatique d'une société occidentale du Spectacle. L'aporie arrive quand le spectateur entre en conflit à la fois avec les excès du personnage de Tár, comme avec les excès de ce qu'on lui oppose (la scène de la masterclass à la Julliard school).
Ensuite, et surtout, la réalisation se donne vraiment les moyens cinématographiques pour avancer dans son projet artistique. La direction et le jeu d'acteur évidemment, la photo et les cadres qui racontent l'intimité et la psychologie du personnage, le montage et le travail minutieux sur le rythme de plus en plus elliptique du film pour illustrer la chute de Tár qui en perd son "tempo", les ambiances et les textures sonores mixées en arrière-plan et qui semblent plonger de plus en plus Tár dans un rêve éveillé, symptôme d'un détachement progressif au réel, sont tous au service de ce qui se raconte dans le film, qui devient une vraie experience cinématographique et qui sait justifier son médium pour la valeur artistique qu'il ajoute au propos. Cela nous change des films de plus en plus nombreux qui ne font que "dire" une histoire.
Todd Field, en tant qu'acteur, avait joué dans Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick, on pense forcément à ce dernier quant à cette manière totale de faire du cinéma.