TÁR de Todd Field est une œuvre cinématographique audacieuse et exigeante, pleine de provocations subtiles et de rires secs. Avec son titre accentué qui frôle la plaisanterie prétentieuse, le film navigue entre satire et sérieux, sans jamais se moquer ni flatter son public. C'est un film qui interroge autant qu'il fascine, et il est difficile de l'oublier une fois les lumières rallumées.
Au centre de cette symphonie complexe se trouve Cate Blanchett, impériale et inégalée, qui livre ici une des performances les plus marquantes de sa carrière. Elle incarne Lydia Tár, une cheffe d'orchestre de renommée mondiale au bord de l'effondrement, avec une autorité et une intensité rares. Son jeu, tout en subtilité et en puissance, ne ressemble pas tant à une performance qu'à une véritable possession. Elle sait porter le costume noir avec l'élégance nécessaire, agiter ses cheveux dans des moments d'abandon et transformer son visage en masque de mépris, créant un personnage aussi fascinant qu’inquiétant.
Le film est une exploration méticuleuse des thèmes de l'art, du pouvoir et de la déchéance. Chaque scène est orchestrée avec une précision presque musicale, et la direction de Field, appuyée par la somptueuse photographie de Florian Hoffmeister et la partition inquiétante de Hildur Guðnadóttir, offre une immersion totale dans le monde feutré et impitoyable de la musique classique. TÁR est visuellement et narrativement captivant, chaque moment servant au moins deux fonctions : une étude de personnage superbe et un monde construit avec une perspicacité rare.
Au-delà de ses prouesses techniques, TÁR est avant tout un film porté par son personnage principal. Lydia Tár n'est pas une héroïne traditionnelle, mais plutôt une figure aussi complexe qu'artificielle, une artiste au bord de l'abîme dont les actions suscitent autant de répulsion que de fascination. Le film ne tombe jamais dans la diatribe ou la parabole simpliste ; il se contente d'explorer, de poser des questions et de laisser le spectateur face à ses propres interprétations.
Le film est à la fois austère et drôle, un mélange d'art raffiné et de commentaires acérés sur la culture contemporaine. Il est difficile de savoir ce que Field pense de son héroïne, mais c'est précisément ce flou qui rend le film si captivant. TÁR n'est pas un simple récit de chute, mais une réflexion sur le pouvoir, le privilège et les écueils de l'ambition.
Malgré une dernière partie qui perd un peu de son emprise en s'étirant, le film reste une expérience cinématographique fascinante, marquée par la performance titanesque de Blanchett. Ce n'est pas seulement un film sur un artiste, c'est un chef-d'œuvre qui questionne la place de l'art dans nos vies. En fin de compte, TÁR est un film magistral, orchestré avec une virtuosité rare par Todd Field et sublimé par une Cate Blanchett au sommet de son art.