La mort de l’acteur et musicien Joe Lara dans un accident d’avion le 29 mai 2021 n’aura pas trouvé un grand écho en dehors de quelques amateurs de série B qui ont fait le deuil d’un acteur avec un charisme certain, mais cantonné à un certain cinéma.
Joe Lara n’aura été présent sur les écrans qu’une quinzaine d’années, empêtré dans une production de séries B parfois dispensables (American Cyborg: Steel Warrior de Boaz Davidson), parfois honorables (Steel Frontier de Jacobsen Hart et Paul G. Volk). Mais avec son physique de mannequin, ses longs cheveux, son visage fin, son regard bleu intense, l’acteur pouvait se vanter d’une prestance remarquable, une beauté presque féminine à une époque où le héros était viril et musclé.
Tarzan à Manhattan, son film le plus connu mais aussi celui le plus facile d’accès, aurait pu lancer sa carrière vers d’autres horizons. Bien qu’il s’agisse d’un téléfilm commandé par CBS, il n’a pas à rougir des autres productions cinématographiques de l’époque, dosant son humour et son sens de l’aventure face à un vilain monsieur en col blanc.
Cette nouvelle version des aventures de l’homme en pagne en conserve les principales caractéristiques, de celles attendues : un bel adulte à moitié nu, allant de lianes en lianes, poussant son légendaire cri, Roi des animaux et Cheetah est sa fidèle amie. Mais c’est quand cette dernière est kidnappée par des méchants braconniers que Tarzan se lance dans l’exploration d’une nouvelle jungle, celle de New-York.
Ce Tarzan possède l’élocution nécessaire, apprise dans les livres et auprès d’un ami, même si l’argot citadin lui échappe, et ses manières ne sont pas trop sauvages. Mais il reste un homme en pagne dans la grande ville, déterminé à retrouver sa fidèle amie mais un peu perdu dans ce monde qu’il ne connaît pas. C’est une Jane new-yorkaise qui va lui apprendre les rudiments et l’aider, une conductrice de taxi qui ne se laisse pas faire. Kim Crosby l’interprète, plus connue pour ses talents de chanteuse que d’actrice, celle-ci est un peu trop transparente pour un personnage présenté avec autant de caractère. Le duo sera rapidement rejoint par Archimedes Porter, le père de Jane, détective privé gouailleur. C’est une surprise que d’y retrouver le grand Tony Curtis dans une telle production, mais il s’empare du rôle avec une certaine malice, il cabotine mais amuse.
Production télévisuelle, le métrage a ses limites, comme un ton sans équivoques, entre les méchants braconniers et les gentils, où Manhattan, longuement filmée, est assez bien mise en valeur, dans son architecture ou dans sa foule, moins dans ses recoins. D’ailleurs, si le film nous présente le quartier un peu craignos de Jane, avec ses loubards et ses graffitis, ses déchets à même le sol, le tout fait un peu trop décor de cinéma pour y sentir la crasse. Ces vauriens sont des petites frappes plus sottes que méchantes, campés par des acteurs qui en font trop. La production cherche à se mettre dans la poche un public télévisuel populaire, ce sera donc la haute bourgeoisie qui en sera pour ses frais avec ses fêtes dispendieuses, son arrogance et bien sur son mépris de la vie animale.
Même si le rythme du film est assez lent, conforme à cette production télévisuelle qui ne doit pas perdre la ménagère qui regarde son film du coin de l’oeil, le métrage tente néanmoins d’assurer un peu de spectacle. Le film s’ouvre par de plus beaux plans naturels dans l’habitat de Tarzan, tandis que quelques moments plus mouvementés mettront à profit l’agilité et la force de l’homme singe. Quelques incrustations accusent leur âge, mais d’autres cascades sont assez réussies.
L’histoire reste simple, assez prévisible, mais profite de l’alchimie entre Tarzan, Jane et Archimedes. Le décalage entre Tarzan et cette vie urbaine mais aussi les passerelles possibles amusent parfois, comme quand Tarzan appelle un taxi avec son cri, et quelques dialogues touchent juste mais d’autres se révèlent un peu trop attendus. Quand le Roi des animaux découvre l’électroménager de l’homme moderne, rien ne semble n’avoir pas déjà été vu ailleurs.
L’intérêt principal étant de toute manière ce Tarzan dans ce nouveau cadre, qui conserve certaines de ses habitudes, toujours prêt à bondir sur un escalier ou une poutre. Il ne garde jamais bien longtemps ses habits civils, et Joe Lara passe ainsi la majeure partie de son temps avec sa musculature athlétique bien mise en valeur, dans son petit pagne un peu court. Comme me l’a fait remarquer ma compagne sur le canapé, dans certains films il y a les plans nichons, ici il y a les plans Joe Lara. A l’époque, il a du affoler bien des ménagères, l’acteur est vraiment sexy. Son jeu manque encore de reliefs, mais son regard crédule et sa détermination suffisent bien tout du long.
Tarzan à Manhattan est un divertissement télévisuel, plaisant à défaut d’être renversant, tout simplement honnête. Il ne se cache pas derrière son statut de téléfilm pour en faire le moins possible, au contraire, et il est même d’ailleurs bien filmé, même si c’est là aussi sans audaces. Joe Lara y est à son avantage, mais il fait un Tarzan crédible et réussi. Il reprendra d’ailleurs le pagne pour une série télévisuelle entre 1996 et 1997, Les Aventures fantastiques de Tarzan, diffusée chez nous sur M6.