Claqué au sol
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Tatami est, comme son titre l’indique, un film sur le judo. Il y en a tellement peu que c’est déjà une raison plus que suffisante d’aller le voir, et ce d’autant que la représentation de ce sport est ici sérieuse, presque anti-spectaculaire, et peut permettre à quiconque en ignore tout d’en comprendre les difficultés sans avoir recours à des simplifications.
Tatami est, comme son titre ne l’indique pas, un film sur l’horreur de la dictature iranienne, et la manière dont cette machine barbare broie l’être humain, sans la moindre considération pour un peuple qui doit être totalement asservi aux décisions du Guide Suprême et de son organisation criminelle. La révolte de Hosseini, judokate-star de son pays, en lice aux championnats du monde pour remporter le titre suprême, contre la décision absurde de son pays de se retirer de la compétition pour ne pas risquer d’affronter une adversaire israélienne, mais surtout les conséquences extrêmes de ce geste de refus, trahissant un goût pour la liberté inacceptable pour les gouvernants, rappellent forcément l’horreur récente du bras de fer entre le pouvoir iranien et sa population, féminine en particulier.
Tatami est donc un film sur le sport – tombant à pic en cette période de Jeux Olympiques – portant un propos politique virulent et nécessaire, mais c’est aussi un travail de mise en scène remarquable, réalisé par – ô scandale pour ceux qui ont du mal à choisir un camp (on a lu de honteuses critiques dans certaines revues sur le soi-disant « manichéisme » du film) – un duo constitué par une Iranienne, Zar Amir Ebrahimi (qui joue également ici le rôle de Maryam, l’entraîneuse de Hosseini, et que l’on a déjà vue dans Les nuits de Mashhad et dans les Survivants) et un Israélien, Guy Nattiv. Car ce n’est pas parce qu’on fait un film engagé qu’on ne doit pas faire un beau film, intelligemment conçu et soigneusement réalisé. Unité de lieu (un dojo en Géorgie), de temps (une journée, ce qui est d’ailleurs peut-être exagéré vu le nombre de combats auxquels participe Hosseini ?) et d’action (une compétition pour le titre de championne du monde dans la catégorie des moins de 60 kg) pour concentrer au maximum le traitement du sujet, et avoir une efficacité maximale sur le spectateur, littéralement pris à la gorge par le suspense ; image carrée augmentant la sensation d’emprisonnement ; photographie dans un noir et blanc très sombre nous privant de la lumière à laquelle nous aspirons forcément face à l'intensité du film… et interprétation sobre et tendue des deux actrices principales, formidablement convaincantes. Si l’on peut regretter, à la marge, ces courts flashbacks qui n’étaient pas absolument nécessaires (même s’ils crédibilisent la réaction du mari d’Hosseini à la pression exercée sur sa championne d’épouse), ainsi que la place trop grande prise par les commentaires sportifs dans la bande-son (on imagine bien que les réalisateurs ont voulu offrir un minimum d’informations à un spectateur qui ne connaîtrait rien au judo), ce sont là des détails formels qui ne gâchent pas le plaisir…
Tatami est un film occidental – une co-production états-unienne et britannique – et cela pourra, absurdement, lui être reproché – alors qu’il est clair qu’un tel pamphlet ne saurait être produit en Iran. Pourtant, il s’en dégage un sentiment très fort de réalisme, indispensable à la crédibilité du discours politique : rappelons quand même que son sujet est basé sur des incidents similaires bien réels, des pressions extrêmes appliquées sur des sportifs de haut niveau par l’Iran mais également d’autres régimes totalitaires. La conclusion de Tatami, que nous ne révélerons pas ici, évite d’ailleurs toute glorification de l’héroïsme de la rébellion et surtout tout happy end évident, qui aurait été tout sauf logique.
Tatami est une jolie réussite, évitant à peu près tous les écueils de son propos. C’est un film fort et un réquisitoire nécessaire contre la barbarie d’état.
[Critique écrite en 2024]
Créée
le 9 sept. 2024
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