Difficile de ne pas penser, devant tant de mesquinerie et de méchanceté, qu'une bonne canicule nous débarrasserait bien de quelques vieilles carnes acariâtres comme Tatie Danielle. C'est qu'avec la vieille engeance mise en scène par Etienne Chatiliez, l'horreur de son attitude rivalise avec ses mensonges, son comportement honteux et le plaisir qu'elle tire à se faire plaindre. J'allais oublier son hypocrisie, comme lorsqu'elle jacte sur ses neveux, juste avant de feindre le malaise et de se montrer tout miel pour susciter la compassion et la bienveillance.
La vérité des situations saisit, pour peu que le spectateur ait dans son entourage une représentante aigrie du troisième âge : le soap suivi avec ardeur, la commissure des lèvres pointant systématiquement vers le bas, les caprices... L'amour du bon mot vachard transpire. La vieille guette-au-trou est à l'affut, pour dénigrer les voisins. Elle tyrannise son assistante, la rabaisse et lui sort pire qu'à pendre, se jouant d'elle et la faisant passer pour une voleuse et une folle.
Tatie Danielle atterrit chez ses neveux mais n'en est pas pour autant plus contente. Elle crache son venin de vipère mais cache toujours aussi bien son jeu, l'animal, dégoisant avec ardeur sur chaque membre de la famille. Jamais contente, toujours à la bouche le mot pour blesser, la réplique acerbe et la pique fulgurante. L'horizon le plus lointain du champ lexical de la méchanceté n'est pas encore suffisant pour qualifier une telle vieille peau. C'est que le vinaigre, ça conserve. On sent Chatiliez jubiler, à filmer Tsilla Chelton dans le rôle de sa vie, cet affreux personnage que l'on adore détester et qui ira jusqu'à semer son petit neveu au square. Elle n'aime personne. Enfin, personne de vivant. Elle n'aspire qu'à rejoindre son Edouard. Mais la mort la priverait à coup sûr de la joie incommensurable de faire chier le monde qu'elle a à ses pieds.
Portrait à l'acide d'un troisième âge que l'on ne conçoit que comme gentil et bienveillant et duquel on doit prendre soin, Tatie Danielle enchaîne les éclats de rire libérateurs autour de son personnage mordant de méchanceté aigrie et gratuite. Si la seconde partie du film voit le rapport de force s'inverser avec l'apparition d'Isabelle Nanty dans l'environnement de l'horrible ancêtre, elle humanise quelque peu le monstre, voyant dans le visage de cette garde de vieux autoritaire comme un reflet d'elle même.
Violemment drôle et corrosif, jubilatoire et sans concession, Tatie Danielle, dans un ultime coup d'éclat confortant son vice chevillé à ses traits ridés et méchants, vous fera réfléchir à deux fois avant d'accueillir chez vous une représentante de l'âge argenté. Car comme chacun le sait depuis 1990, année de réalisation du film, la meilleure place pour les vieux, c'est loin de nous, à l'hospice. Manquerait plus qu'ils nous fassent passer pour des monstres et des bourreaux alors qu'on s'occuperait d'eux.
Behind_the_Mask, qui n'a pas rendu visite à sa mamie depuis un bail.