Laborieux et faux...
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**Si vous voulez, comme j'ai pu le faire en découvrant ce film sans en avoir ouï une once d'information, vivre pleinement une bonne expérience cinématographique, allez voir le film directement. Si vous êtes du genre incertain quant aux films du Moyen-Orient, position qui se respecte tout à fait étant donné la censure de ce qui est proposé dans ces pays là, comme l'expose le film, n'hésitez pas à lire cette critique qui ne donne sur le film même que d'éparses informations dans leur superficialité, et, je l'espère, dans le plus profond respect du travail du réalisateur iranien.**
Je commencerai donc avec une petite anecdote : je n'étais pas en avance à cette avant-première qui affichait complet quand j'arrivais au cinéma si bien que le film avait déjà commencé. Mais en entrant dans la salle, j'ai compris que je ne ratais rien, car le premier plan expose la situation longuement, et ce par le son plus que par l'image : nous voyons bien que nous sommes dans une voiture, mais ce ne sont que les paroles, les sons de portières qui s'ouvrent et se ferment, et les sujets de discussions variés, intéressés ou non qui nous introduisent le fait que nous sommes emportés dans un taxi iranien.
Ce même premier plan, d'une force incroyable vient troubler toutes les attentes qui découlent de 120 ans d'habitudes cinématographiques : une telle introduction de la situation est banale en soit, mais elle se fait troubler par un mouvement de caméra, retournée par un des protagonistes qui se demande ce que cet attirail fait là. En réalité, elle est tournée par le réalisateur, car on voit qu'il fait ce mouvement de manière récurrente au cours de son film, et puis, on ne retourne pas les caméras des autres. On n'y touche pas comme on ne parle pas de la caméra qui nous filme dans un film de fiction traditionnel. Mais pourtant, personne n'hésite à le faire, ici. De ce fait, sommes nous réellement dans la fiction ?
La seule chose que je pourrais vous dire est que le film n'y répond pas formellement et qu'il est magnifique. D'une véracité rare, faite d'événements hétéroclites, d'une réflexivité telle qu'on la voit rarement au cinéma, mais d'un humour poignant qui nous questionne sur ces précédentes caractéristiques (entre autres). Le réalisateur, qui se met en scène en tant que conducteur du taxi, mais dans son propre rôle de réalisateur, nous fait également, comme le montre l'aspect contradictoire de cette phrase, nous poser des questions. Son côté rassurant, simple et silencieux, à l'instar d'un réalisateur de documentaire à l'écoute de ses protagonistes, sait nous tromper. Est-il vraiment dans un rôle ?
Bref, on comprend rapidement que ce film interroge dans une forme nouvelle les relations poreuses entre cinéma de fiction et documentaire. Parlons donc de cet aspect documentaire ! Comme une Satrapi qui anime un portrait de l'Iran de sa jeunesse (*Persepolis*, 2007), ou un Kiarostami qui filme un iranien se mettant en scène pour rêver de mettre en scène (*Close-Up*, 1990), Panahi nous parle de cette culture qui le censure : d'abord de la culture globale iranienne (de cette fille sortant de l'école qui porte le voile à l'importance du testament chez l'homme mourant et la femme qui tient à... l'héritage culturel), puis de l'environnement qui l'entoure quotidiennement donc le cinéma et sa représentation en Iran : du petit trafic de films hollywoodiens aux règles pour faire un film « diffusable ». Panahi, le pédagogue, nous invite par ailleurs à constater ce qui limite la production et l'inventivité cinématographique dans son pays, jusqu'à nous demander si son film sera lui aussi diffusable.
Pour finir, on peut ajouter que le carton-générique de fin donne un sens fort au film sans l'en rendre dépendant (cette phrase vise à donner envie de voir le film jusqu'à sa dernière minute). Il ne faut pas hésiter à s'embarquer dans le parcours tranquille et tortueux du réalisateur, pour un petit moment de vrai qui fera doucement réfléchir. *Taxi Téhéran* de Jafar Panahi sortira en salles mercredi prochain (15/04/2015). A voir pour en apprendre plus sur Iran et la beauté de son cinéma, à voir pour en apprendre plus sur le cinéma en général, ou à voir quand on est simplement dans l'envie de voir un film drôle, intelligent et reposant (ce n'est pas le rythme séquentiel qui nous fatiguera, ici).
Créée
le 13 avr. 2015
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