Together
5.4
Together

Court-métrage de Yannis Mouhoun (2016)

Je critique. Un film, un contexte de production, un contexte de diffusion.

Avant de parler du film, je poserai déjà le contexte dans lequel il s'est présenté à moi, et sûrement à beaucoup d'entre-nous. Ce film a été médiatisé par Lucille Bion, sur le site Kombini dans un article qui porte pour titre "Together, un court-métrage poétique pour ceux qui croient encore à l'amour". Sous le titre, un résumé de la publication se présente comme tel : "Poète sur les bords, le réalisateur Yannis Mouhoun a filmé une histoire d'amour prenante, sur la côte atlantique de la France, sans jamais tomber dans la niaiserie". Voilà comment je l'ai découvert.


Together met en avant l'histoire de deux individus, homme et femme, sur la côte Basque, qui semblent vivre une aventure amoureuse passionnelle. Nous découvrons leurs quotidiens et ébats fusionnels à travers de séquences disparates et deux voix-off qui lisent une sorte de poème, d'abord l'un, puis l'autre, comme un échange, puis ensemble.



Je critique le film.



J'ai choisi d'introduire le film objectivement pour ne pas imposer directement mon point de vue cinglant. Mais je pourrais le résumer tout autrement : Together met en avant une vision stéréotypée de l'amour basée sur des moments quotidiens intenses et prétendument éternels entre une femme et un homme filmés dans un processus trop esthétisant et accompagnés de leurs voix, en off, qui lisent des phrases clichées sur leurs ressentis. Je hais ce film. Il incarne tout les maux du cinéma contemporain. Rien n'est laissé au hasard alors qu'il semble défendre une sorte de spontanéité religieuse et indétrônable. Mais il semblerait que ce soit plus le mode de filmage qui donne un aspect spontané et non cette relation. Mais filmer de loin, filmer quelqu'un comme s'il ne savait pas qu'il l'était est-il vraiment la spontanéité ? Je ne pourrais l'affirmer ; de surcroît, je dirais le contraire, en rappelant que nous sommes dans la fiction. Il y a des ralentis. Pleins de ralentis, bien beaux, mais en fait bien laids : on dirait un clip (voir aussi le clip dit documentaire de Matin d'Odezenne, déjà beaucoup plus juste, même s'il y a des ralentis et que la spontanéité semble relative).



Je critique le contexte de réalisation.



En se renseignant un peu sur le réalisateur, on comprend bien vite que la relation décrite dans ce film est la sienne, dans la vraie vie. Et il ne s'agit pas simplement d'une métaphore de sa vie, car en plus de jouer dans le film, il l'a écrit, il le dirige, il en compose la musique, et... il sort avec l'actrice ! Ce film représente donc directement le ressenti de ce couple sur leur propre relation, je me permettrai de parler d'égocentrisme, d'auto-centrisme, voire de nombrilisme. Oui, leur relation est tellement profonde qu'il faut l'enregistrer, la filmer, en faire un film, car le monde a besoin de ça. Le monde a besoin de voir que ça peut aller bien. A une époque où tout le monde déprime, où c'est la guerre çà et là dans le monde, où la planète se meurt et où les gauchos nous le rappellent constamment, il faut montrer que la beauté peut exister dans les relations entre les êtres. [Par ailleurs, je serai ce gaucho] Ces êtres. Ces bourgeois qui se baladent en voiture de collection vers les plages basques. Ces gens qui n'ont rien connu de pire que de perdre un être cher. Qui ne savent pas ce que c'est de n'avoir personne autour de soi, qui ne savent pas ce qu'est de se tuer au travail pour subsister et de ne pas avoir de temps pour soi. On orne les pauvres, les masses, on leur fait bouffer du beau, du riche : ce qu'ils n'auront jamais. Là sont les maux du cinéma dominant bourgeois. On parle anglais parce que ça fait cool. On sait être torturés aussi, dans ce monde de brutes. Je hais ces gens. Heureusement que ce n'est qu'un film.



Je critique la médiatisation du film.



Le court-métrage se revendique "featured on Konbini" (présenté sur Konbini), je me permettrai donc de commenter cette diffusion. Je ne critiquerai pas la maigre taille de l'article qui se contente de présenter le film de manière superficielle en se prétendant dissident sur le habitudes des internautes ("à des années lumières de vos discussions Tinder, hyper bourrines"). Je ne critiquerai pas le fait que l'article mente sur la spontanéité du film, qui ne tombe "jamais [...] dans la niaiserie", alors que les plans sur la plage, les étreintes soit-disant quotidiennes ou les voix se mettent à vibrer à l'unisson nous montrent bien le contraire. Je ne critiquerai pas le fait que l'auteure voit de la poésie partout, jusqu'aux gros plans. D'ailleurs qu'est-ce qu'un gros plan si ce n'est de la poésie ? Je ne critiquerai pas non plus le fait que l'auteure dit une chose et son contraire dans la même phrase ("Jamais les personnages ne s'expriment par la parole : on entend seulement deux voix-off qui se répondent"). Je ne critiquerai pas cet article en soit. Mais je critiquerai un putain de système où on vend de la merde aux gens, mais de la merde bien décorée, bien amenée. De la merde sous cloche, un cinéma réchauffé, qui se prétend différent, dissident, révolutionnaire. Konbini nous vend constamment des contenus "originaux", cool, djeuns, sans être critique, il se contente de médiatiser, car cela lui permet de vivre intellectuellement (être lu) et économiquement (afficher ses publicités). Tout est calculé, tout est fait pour qu'on s'y retrouve. Mais, encore une fois, comme à chaque fois, on est déçus. Konbini cherche, à l'instar de Yannis Mouhoun, à proposer quelque chose de spontané. C'est raté. Je hais cette société du spectacle. Je hais cette société de la publicité, et de la communication mensongère. C'est quand je vois ce genre de publications que je suis content d'avoir AdBlock.


-


Petit résumé : je hais le film, les gens qu'il met en scène (je vous rappelle l'aspect autobiographique donc je ne dirai pas ce que je pense de ses auteurs) et je hais son contexte de diffusion. Et c'est sans parler du fait de le mettre sur Vimeo (qui donne un côté plus arty). Pour moi, il ne mérite que le plus grand des mépris d'où ma note.
Mais ne pensez pas que je suis dur avec les films qui ne rentrent pas dans ma conception du cinéma ("ba oui cé vré, sa fait révé des gens kanmeme donc voi plu loin ke ton avis de snob tavu"), ne pensez pas non plus que je suis un pessimiste. J'adore le cinéma et je critique pour qu'il se dirige vers un sens meilleur, plus juste, moins bourgeois, moins cliché. Je m'attelle pour chaque film à en repérer leurs efforts et leurs faiblesses, et il arrive parfois que les premiers finissent par masquer les seconds. J'aime les gens, j'aime le monde, j'ai foi en l'humanité et je suis sûr que nous irons dans le bon sens, mais ne me faites pas croire que c'est avec cette merde que nous avancerons. Je pense même que nous sommes en marche arrière, là.
Par contre, que j'aie écrit une longue critique pour laisser penser que je suis très sérieux, je vous l'accorde, mais je ne dirais pas que mes arguments sont dénués d'intérêt.

Louiss_Caillou
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le 6 déc. 2017

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Louiss Caillou

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