Pour son complet développement affectif, l'enfant a besoin de rituels, d'habitudes immuables, de repères. Le doudou, souvent un ours en peluche, en est l'élément le plus évident, voire fondamental. Il le sert contre lui le soir dans le lit, sûr de le retrouver le lendemain matin entre les draps. Parce que le doudou est fidèle. Il comprend les petits chagrins de son propriétaire et devient le dépositaire silencieux de ses secrets. Il suit l'enfant partout où il va, dans ses plus folles aventures, comme un ami, un compagnon d'épopée. Jusque dans les endroits les plus insoupçonnés. Un peu comme Ted pour Mark Wahlberg, tiens. Trimballé partout, le doudou choppe les odeurs d'à peu près tout. Avec le temps, il sera même possible de suivre son cher petit à la trace, rien qu'en levant le nez au vent dans une moue de dégoût, tant l'odeur de son compère devient agressive et âcre.
Cette odeur, l'enfant ne s'en rend pas compte. Son quotidien l'exhale. Elle le rassure, elle a le parfum du confort et de la sécurité. Autant dire que lui ravir le doudou pour le passer en machine a tout de l'expérience épique où maman déployera des trésors de machiavélisme et de ruse. Puis des trésors d'imagination pour expliquer l'absence de l'objet. Maman sera au comble du bonheur quand l'ourson sentira à nouveau la rose. Mais l'agression nasale laissera la place à un cataclysme auditif bien plus insupportable quand maman donnera la peluche propre à son rejeton. Car il s'apercevra dans une crise de larmes et de colère que son compagnon de jeu n'est plus le même, qu'on lui a fait à l'envers et que l'ours n'a plus l'odeur des aventures en duo. Avant bien sûr que le gamin ne jette son doudou à la tête de sa mère, dépitée.
Tout ça pour dire que Ted, eh bien, il a subi le même sort dans cette suite et que Maman MacFarlane a passé sa création en machine. Adieu la douce odeur de l'irrévérence et de l'immaturité de l'adolescence prolongée. Adieu son comportement affreux, sale et méchant, la plupart de ses jurons, son attirance pour le sexe et son je-m'en-foutisme. Car Ted, maintenant, il sent la Cajoline (Tiens, un autre ours en peluche), surtout depuis qu'il s'est marié et éprouve le désir d'avoir un enfant. Ca sent tellement l'adoucissant que même l'humour potache et graveleux y est passé, au profit d'un scénario étiré plus que de raison à base de reconnaissance de droits civils typiques des films de procès américains soporifiques. McFarlane dit même adieu à Mila Kunis, qui ne rempile pas pour ce Ted 2 où l'ours mal léché glisse du rôle d'élément perturbateur à mourir de rire et foutraque à celui de personnage principal croulant sous le sérieux sinistre de salon funéraire de la machine judiciaire US.
Ted n'est même plus l'élément catalyseur de l'humour pipi-caca de Seth MacFarlane. D'ailleurs, le spectateur constatera que les deux gags les plus rigolos (présents dans la bande annonce), ne le mettent même pas en scène. C'est dire à quel point c'est triste. Loin de sa fonction de mauvaise influence régressive plombant la vie de Mark Wahlberg, il devient d'une tristesse à pleurer, entre ses disputes conjugales et son combat pour faire reconnaître sa personnalité propre, combat que MacFarlane prend pour prétexte pour faire de sa création une figure de proue pour appuyer la lutte des gens différents pour l'acceptation par la société de leurs droits. Drôle d'idée, totalement hors sujet faisant sombrer le film dans un ennui et une indifférence polis.
C'est à peine si Ted sent encore la beuh, unique image qu'aura conservé McFarlane de sa peluche vedette, comme une posture, un gage trompeur de sa marque de fabrique. Pour le reste, le doudou se montrera aussi rebelle que le gamin d'une famille catho qui refuse d'aller à la messe ou de débarrasser la table du déjeuner dominical...
MacFarlane a réussi à attrister l'enfant en bas âge que je suis en me fourgant une peluche qui sent la Cajoline d'un sérieux plombant et d'un humour irrévencieux en sourdine. Et comme le gamin contrarié qui fait une crise de caca-boudin, j'ai moi aussi envie de jeter cette peluche à la tête du réalisateur en lui hurlant "Maman méchante ! Maman pas belle !"
Il l'aura bien mérité.
Behind_the_Mask, à la recherche de son vrai doudou.