L'horreur de l'industrie du mannequinat, loin du prestige et du glamour des façades revendiquées, à travers ses coulisses et la trajectoire d'une jeune adolescente sibérienne. Nadya, 13 ans, symbole d'innocence et grande enfant blonde, est découverte par Ashley, la trentaine, ancienne modèle et nouvelle "dénicheuse de talents". Elle sera envoyée au Japon comme un produit à valoriser, jetée en pâture à un marché avide de blondeur et de jeunesse. Bien sûr, on lui fait miroiter une grande carrière, du travail, de l'argent, le début d'une nouvelle vie pour cette fille issue de la campagne russe : c'est beau, sur le papier, l'industrie de la mode, avec sa propension à dépasser les frontières et à lancer de nouveaux talents sur la route du mannequinat.
Nadya reviendra chez elle après des semaines d'intenses séances photo, sans avoir pu trouver de travail, sans avoir été payée, et avec une dette contractée par l'agence spécialisée dans ce marché de nouveaux visages et de chair fraîche. L'absurdité de la situation sur place, avec une gamine de 13 ans ne parlant que le russe lâchée dans les rues de Tokyo sans argent et sans nourriture, est renversante.
Le malaise est très grand, très vite, lorsqu'on entend Ashley dire que "what's exciting about this business is that it's unpredictable". L'imprévisibilité, c'est avant tout le sort de ces enfants qu'elle envoie à l'usine de la mode, à l'autre bout du monde, sans savoir absolument ce qu'il adviendra. L'imprévisibilité pour elle, l'employée d'agence, c'est le retour sur investissement qu'elle peut espérer de ces tout jeunes modèles. Glaçant, et ce d'autant plus après le voyage de Nadya à Tokyo, coincée la plupart du temps dans un minuscule appartement sans argent et sans téléphone, sans visibilité sur les semaines à venir, sans aucun cadre légal digne de ce nom : le documentaire se termine sur un mensonge final proprement hallucinant, lorsqu'elle certifie face caméra que toutes les filles envoyées au Japon sont garanties d'y trouver le succès, la gloire, l'argent, la bienveillance, etc. Ou lorsqu'elle concède que pour ces jeunes filles issues de familles pauvres, "it's normal to be a prostitute".
D'autres moments sont beaucoup plus drôles, comme ce passage où les deux jeunes filles paumées dans la mégapole japonaise lisent leur contrat et découvrent qu'elles ne doivent pas prendre le moindre centimètre en tour de taille (et poitrine et hanches) sous peine d'être renvoyées dans leur pays — close qu'une des deux mettra à profit, en se gavant de gâteaux, pour fuir cet enfer. Le seul fait que de tels contrats existent donne le tournis, qui plus est dans cet univers de néo-esclavage à tendance érotico-infantile. Le personnage d'Ashley, représentante terrifiante de cette industrie, mériterait un documentaire à elle seule.
http://www.je-mattarde.com/index.php?post/Teenie-Model-Le-Journal-d-un-jeune-top-model-de-David-Redmon-et-Ashley-Sabin-2011