À partir d’un pitch qui fera étrangement écho, pour le public français, à celui de la plus célèbre comédie d’Etienne Chatillez (La Vie est un long fleuve tranquille), mais qui ici donne davantage lieu à un drame, sur fond de chronique sociale, Kore-Eda, malgré une certaine délicatesse, ne peut échapper aux pièges de son sujet.
Le problème de Tel père, tel fils, qui demeure un joli film plein de bonnes intentions, est bien son sujet. En mettant en scène le choix d’un père – choisir son fils biologique ou continuer à élever l’enfant qui a vécu dans son foyer pendant six ans – il se condamne à arpenter un chemin bien balisé, comme celui que suivront deux personnages dans le dénouement. D’un tel dilemme, un auteur tel que Kore-eda ne peut tirer qu’une seule solution : la résolution est aussi évidente qu’attendue, la morale de sa fable se présente comme nécessaire. Reste alors à savoir comment y arriver.
Si le choix de se concentrer davantage sur une des deux familles et de faire d’un père absent le héros du film est d’abord un agréable parti pris, l’évolution est elle aussi bien trop vite prévisible. L’apparente simplicité des films de Kore-Eda, de son style délicat et précis qui était jusque là sa principale qualité, se retourne ici contre lui. Le film semble sombrer dans un systématisme de saynètes, de parallélisme (comment prend-on son bain chez les riches, comment s’amuse-t-on dans la famille plus modeste), de passages obligés (le fameux "échange").
Les ficelles scénaristiques, bien trop lisible, gâchent la délicatesse de la mise en scène qui, si elle semble s’être essoufflée, parvient toujours à toucher. La finesse du jeu, l’acteur principal en tête, mais aussi des interprètes d’autres membres des deux familles (le père rustre qui s’amuse à cabotiner pour mieux surprendre plus tard), l’incroyable et inépuisable capacité de Kore-Eda à diriger des enfants, ne suffisent malheureusement pas à sauver le film d’un certain agacement qui commence à gronder tandis que le film ne semble plus tenir qu’à quelques fils. Les enfants adorables, les inépuisables bons sentiments, les petites réflexions bien menées sur la filiation, mais trop légères pour nourrir un film de deux heures, nous font tourner en rond et regretter la douce cruauté de Nobody Knows.
En choisissant un dilemme qui n’en est pas vraiment un pour le spectateur comme pour lui-même, Kore-Eda réalise un joli et gentil film qui peine à passionner. Chronique familiale et sociale un brin académique quand on a connu le regard de l’auteur bien plus acéré et ses critiques plus acerbes, le film reste aussi charmant que décevant. Espérons que l’expérience de la paternité que connait l’auteur ne l’affadisse pas trop longtemps.