Tenet, le nouveau défi visuel, sonore, et architectural de Nolan est symptomatique d’un certaine idée ressassée de la “mort du cinéma” qu’on entend depuis ses débuts et dans laquelle le réalisateur se perd. Plongé dans des concepts toujours plus fous, ici, il est (concrètement) question du Temps, d’inversion temporelle. Nous sommes déjà habitué.e.s dans ses films à ses techniques de montage alterné, ses voyages d’espaces, et sa quête obsessionnelle d’un ordre du monde. Mais le concept prometteur du film qui permet à des séquences visuelles à double sens, à double temporalité de se jouer à l’écran ne parvient pas (à quelques exceptions près) à convaincre. L’ambition et la volonté de créer une intensité cinématographique jamais vue se noie entièrement dans une succession interminable de spectaculaire (scènes d’action infinies avec un rythme effréné (montage et musique) où la respiration entre les scènes n’existe plus ; cascades / explosions réelles et sans effets numériques ; tournage en pellicule et projection IMAX, etc).
Au delà de ce bourrinage hors du commun qui peut rappeler l’expérience d’un jeu vidéo de type die and retry, Nolan pousse encore plus loin son projet “sensationnel” vicieux en écrasant le spectateur d’un baratin scientifico-métaphysique volontairement incompréhensible. La pédagogie qui nous laissait autrefois apprécier ses films aux intrigues farfelues, nous en sommes désormais privé.e.s. De plus, dans cet amas palindromique, les incohérences du film prolifèrent, donnant pour seul excuse la réplique "N'essayez pas de le comprendre. Ressentez-le." : quelle ironie pour un film qui semble imposer à son spectateur un second visionnage (au moins) pour en comprendre l’essence…
De l’altitude à laquelle se trouve Nolan, il nous théorise le cinéma et les sensations, en revanche il omet d’y placer des êtres humains pour y incarner des émotions (le protagoniste du film (John David Washington) s’appelle littéralement “Le Protagoniste”, il n’a aucun développement et ne jouit même pas d’un dévouement personnel à la fin du monde, c’est un simple exécutant ; Sator (Kenneth Branagh) incarne un méchant russe démiurge (quelle originalité) sans aucune nuances, etc). Le réalisateur se focalise uniquement sur son récit et tente de rétablir l’ordre dans le monde en nous parlant pourtant de déterminisme pendant 2h30, voilà alors “l’étau temporel” dont il est question ! Du pur génie !
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