Tenet est un bon film avec un concept intéressant et un scénario cohérent. Visuellement c'est joli et dans la réalisation Nolan conserve sa plaisante et impressionnante carte du "essayons de dire non aux logiciels". Bref on touche un chouette moment de cinéma.
Néanmoins ça ne sera pas aussi grandiose que promis car le film pêche par quelques maladresses et une fâcheuse tendance à se perdre, par fainéantise, dans les regards qu'il jette vers son propre nombril.
Le rythme effréné de la première heure est une succession de scènes courtes, aux échanges tout aussi courts. Le style des dialogues est très déclamatoire, incantatoire presque, et ça rend le tout très pompeux et fatiguant à suivre. Chaque personnage semble vouloir philosopher à chaque réplique, et entre eux ils ont l'air de se comprendre avec une limpidité et une instantanéité déconcertante, alors qu'aucun ne fait l'effort de parler normalement ou plus de deux phrases.
On aurait préféré que le film use de ficelles moins grossières pour faire réfléchir que celle qui consiste à volontairement tout complexifier par des dialogues abscons.
C'est assez maladroit et ça donne un côté m'as-tu-vu qu'on aura pas du tout envie de retenir.
Car nous faire "bien réfléchir" ne semblait pas si compliqué finalement, tant le film avait l'occasion de se reposer sur des concepts de physique théorique passionnants et très propices à la réflexion et à l'imaginaire.
La scène soporifique avec la non moins soporifique Clémence Poesy en est la parfaite illustration nous offrant, en quelques minutes, une soupe imbuvable de répliques, courtes, froides et non explicites. Quelques principes théoriques ci et là pour crédibiliser la fiction mais c'est bien maigre en comparaison des ambitions du film.
Et c'est bien malheureux car se servir de concepts de physique théorique pour alimenter un film SF " à Concept " c'est quand même d'une évidence rare.
Juste aurait-il fallu faire plus que de citer les choses en un mot ? Mister Everyone saurait-il spontanément nous définir correctement l'entropie ? La causalité ? Les concepts de cours et de flèche du temps ?
Interstellar avait su pousser en exemple les principes de la relativité et ça avait donné des moments à la hauteur de ce qu'on attendait. On comprenait le temps dans ce que ça a de plus vertigineux. Tenet en semble loin.
Sur ce point le film poussera au plus loin ce vice en citant le paradoxe du grand père, plus célèbre des paradoxes des voyages temporels. Immédiatement balayé dans le film par une réplique nous invitant à ne pas essayer de chercher plus loin. Pourtant ces paradoxes se lèvent assez facilement. Dans Retour vers le futur, Doc nous explique une résolution par le principe des lignes de temps parallèles sur un tableau noir et on comprend tous nan ?
Là il n'était pas compliqué d'essayer d'en faire autant tout au long du film plutôt que de se laisser aller à tout ce bafouillage
Tenet se veut profond mais ne se donne pas tous les moyens de l'être. Il est finalement compliqué juste parce qu'il se drape volontairement dans le flou (par son style) et omet d'intégrer des éléments qui lui donnerait de la densité et la consistance (des explications, scientifiquement justes ou non, mais juste des explications).
C'est dommage, on sera passé tout près de quelque chose de très bon