Attendu de pied ferme par bon nombre de spectateurs pressés d’effectuer leur retour en salles après de longs mois passés loin des écrans de cinéma (crise du Covid-19 oblige), Tenet permet à Christopher Nolan de s’engager pleinement sur le terrain du thriller d’espionnage façon James Bond. Un genre plutôt singulier que le réalisateur britannique se réapproprie néanmoins totalement en décidant d’y insuffler une dimension fantastique qui lui est chère, celle du temps. Et plus précisément ici de son inversion au sens entropique du terme.
Un concept original qui offre au cinéaste la possibilité d’exprimer, comme il en a maintenant l’habitude, ses talents d’écriture et de mise en scène. Relativement limpide dans sa première partie, le long-métrage prend effectivement une tournure plus complexe dans la seconde, à mesure que le phénomène d’inversion s’impose au récit. Nul besoin toutefois de saisir parfaitement chaque élément du scénario pour apprécier l’expérience immersive que le film procure. C’est l’une des principales qualités du cinéma de Nolan : offrir une richesse scénaristique qui s’appréhende véritablement après plusieurs visionnages, mais qui n’empêche en rien le plaisir immense de la découverte. Au-delà de l’intelligence du script, le film s’apprécie aussi grandement pour sa dimension technique phénoménale. De la réalisation à la photographie, en passant par le montage, la bande originale ou le mixage sonore, chaque composante contribue en effet à proposer des moments de cinéma absolument extraordinaires. Rien que la représentation à l’écran de l’inversion du temps donne lieu à des scènes d’action époustouflantes sur le plan formel. Le genre de scènes inventives qu’on n’a définitivement pas l’habitude de voir et qui confère ainsi à l’œuvre un côté spectaculaire loin d’être artificiel.
Malgré l’éventuelle déstabilisation provoquée par la complexité de l’histoire et de la narration, le long-métrage ne perd fort heureusement jamais en intérêt. D’abord parce que l’immersion est totale et maintient ainsi un niveau élevé d’attention, et ensuite car le périple vécu par les personnages est suffisamment fort d’un point de vue émotionnel que pour se soucier de l’issue. En parlant des personnages, il faut d’ailleurs souligner la qualité du casting et la performance des acteurs. Si John David Washington porte sans peine le film sur ses épaules, affichant notamment de bout en bout un charisme incroyable, c’est davantage Robert Pattinson qui marque les esprits ici. Tout aussi charismatique que son camarade de jeu, avec qui il présente une belle complicité, il excelle dans la peau d’un personnage mystérieux qui ne se dévoile qu’au compte-gouttes. Les éléments distillés à son sujet tout au long du récit donnent d’ailleurs furieusement envie de revoir ses premières apparitions avec un tout autre regard. A leurs côtés, Elizabeth Debicki complète joliment le tableau dans un rôle plutôt intéressant et bien écrit. Enfin, malgré un personnage relativement caricatural, Kenneth Branagh parvient à doser suffisamment son jeu que pour ne pas basculer dans le cabotinage pur et simple.
A l’heure où la plupart des blockbusters se résument à des œuvres terriblement formatées (tant sur le fond que sur la forme), Tenet s’impose donc comme un divertissement spectaculaire et intelligent. Emmené par un solide casting, le film se veut un thriller d’espionnage moderne et élégant, transcendant son propos par un phénomène d’entropie inversée donnant lieu à des séquences prodigieuses sur le plan visuel. Du grand Christopher Nolan !
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