Anthropie vs entropie

C'est un bien drôle de film que celui-ci,
encore maintenant j'hésite à lui coller un 5 ou un 8. Tout dépendra de la dimension temporelle dans laquelle vous lirez cette critique, la dimension ou j'aurais choisi le 5 plutot que le 8, ou peut être l'inverse.
Il n'y a pas d'amis au crépuscule.

Voila maintenant que j'ai fais mon Nolan de superette on va rentrer dans le vif du sujet.
Cest toujours grave, c'est toujours compliqué et c'est toujours un peu trop ambitieux. C'est des hommes en costume trois pièces qui négocient sur une musique de fond stressante, puis des scènes d'action en travelling et des voitures qui prennent très cher.
Donc Tenet de quoi ça s'agit ?
Déjà on va commencer par le plus simple : Tenet en anglais signifie "principe". Tout devient plus clair en sachant ça...spoiler : non.
Parce que tout est à première vue plutôt compliqué pour rien.
On suit un homme que les gens appellent le protagoniste, pas les gens dans le film, les gens qui ont vu le film. Pourquoi pas. Donc, ce monsieur est embrigadé dans une mission pour sauver le monde en bidouillant avec le temps. En dire plus me forcerait à spoiler.
Comme toujours avec Nolan, c'est glacial, épuisant et cryptique. Les couleurs sont du bleu, du beige, du gris, la seule couleur qu'il semble s'autoriser franchement c'est le rouge. Donc le bingo du film de Nolan est complété. Mais il manque une case, une case qui malheureusement rend le film bon et c'est tout. La case empathie et enjeux.
On ne s'attache pas vraiment aux personnages. Et c'est là que ça me pose problème. Je me demande si c'est une erreur ou si c'est fait exprès. Nolan est un très bon réalisateur et même si ses personnages sont souvent glaciaux ils bénéficient toujours d'un minimum de développement. Alors pourquoi ?
C'est certes une case importante du bingo Nolan mais j'ai tout de même ressenti de l'attachement pour cet homme. Peut être parce que j'ai eu pitié d'un personnage perdu dans un scénario ultra dense, dont le rôle est décisif mais qui fait de lui quelqu'un de jetable. Comme un soldat qui disparait une fois la mission accomplie. Je ne sais vraiment pas.
Je pense en sortant du film l'avoir tout de même un peu compris. Malgrés son apparent fouilli il suit une logique. Il s'agit de considérer le temps comme plusieurs lignes directrices qui sont sensées avancer dans une seule direction mais qui dans ce film parfois sont forcées de retourner en arrière et donc de se croiser avec les autres lignes.
C'est très enchevêtré (trop ?) mais le traitement du temps à un tel niveau de complexité dans un film n'a jamais été traité. Ce film relève donc de l'expérimental et du tour de force visuel. Il pousse le concept du canon de Chekov à l'éxtrême et c'est assez satisfaisant de voir sous nos yeux les noeuds se défaire au fur et à mesure.
Nolan pense le temps en trois dimensions et non comme une ligne. Donc les éléments se superposent, les histoires se croisent et on fini sonné mais un peu éblouis il faut le dire.
Cette scène des deux hommes se battant dans un même espace mais dans deux temporalités différentes c'est totalement bluffant. Je ne suis pas sûre de vouloir savoir comment il a réussi ce tour de force car ça a quelque chose de magique.
Je pense qu'on assiste, en regardant ce film, à une nouveauté cinématographique et c'est toujours assez précieux dans l'histoire du cinéma pour être apprécié à sa juste valeur.
Nolan est un rêveur ambitieux et il a raison. Avec les tonnes d'argent sur lesquelles il peut faire reposer son cinéma il a raison de pousser ses concepts jusqu'au bout et de se faire plaisir.
Je déplore peut etre l'usage du sempiternel antagoniste russe (ukrainien ? Oh c'est bon cest pareil c'est tous des communistes de toutes façons) mais Nolan n'est pas connu pour ses personnages originaux, donc c'est paedonnable, cette fois.
Pour finir je dirais que sur le plan technique comme d'habitude c'est impeccable, les acteurs sont excellents (mention spéciale à madame qui a été pour moi vraiment remarquable dans ce film) et la musique au poil. Même si le mixage du son dans la salle était assez dédéquilibré.

Donc ma conclusion c'est, scénaristiquement il a un peu trop forcé sur le tricot de temps et pas assez sur le développement des personnages mais il s'est vraiment fait plaisir donc l'expérience en salle a été plaisante. Je conseille de le voir et de le revoir une fois le principe d'entropie digéré et compris.
Nous vivons dans un monde clair-obscur.

Bisous.

Ps : Arepo à l'envers ça fait Opéra.