Blier est un univers, et l’on sait assez vite si l’on est prêt à lui rendre visite. Pour employer une métaphore douteuse et représentative de son humour, on peut comparer son rapport au spectateur à la façon dont Depardieu prépare Blanc à la sodomie. Tôt ou tard, il faudra y passer, qu’on use de charme ou de chantage. Ça passe ou ça casse.
La première partie du film est flamboyante, presque à égalité avec les envolées de Buffet Froid : l’irruption de Depardieu, cambrioleur pittoresque au flair surnaturel dans la vie morne du couple Miou-Miou / Blanc provoque une alchimie imparable. On croirait voir un Cyrano punk dans les rues nocturnes, habillant de sa verve (avant que de sortir sa verge) la parade criminelle et amoureuse.
Répliques à la mitraillette, audace maximale laissent un temps un parfum de scandale plutôt jubilatoire. Mais le problème est d’avoir voulu allier le non-sens percutant de Buffet Froid à ce qui deviendra la sentimentalité de Trop belle pour toi. Pas encore dégrossi, s’aventurant sur des terres nouvelles, Blier hésite encore et mélange beaucoup les registres. Son intrigue, resserrée autour d’un ménage à trois qui n’en finit pas de s’achever, s’essouffle assez rapidement et n’en déplaise aux acteurs impeccable, n’a plus grand-chose à offrir si ce n’est de la provocation presque gratuite. Certes, parler de façon aussi décomplexée d’enculade entre pote donne un droit de cité dans l’histoire de la libération sexuelle, mais ce sexe-là manque tout de même cruellement de chair et de propos pour convaincre sur ces 80 minutes qui finissent par devenir bien longues. Reste ce souffle initial, cette nostalgie aussi d’un trio d’acteurs à qui on a osé donner toute la liberté digne de leur registre : sans limite.