À Rome, au moment de la sortie de Piranha II : The Spawning, le réalisateur James Cameron tombe malade et rêve d'un « torse métallique se traînant hors d'une explosion, tenant des couteaux de cuisine ». Quand il retourne en Californie, il séjourne chez Randall Frakes, avec qui il a écrit et réalisé le court-métrage Xenogenesis, où il écrit un brouillon de son rêve.

Les deux scénaristes s’inspirent des films de science-fiction des années 1950, des épisodes Soldier et Demon with a glass hand de la série The Outer Limits ainsi que de leur propre court-métrage Xenogenesis qui mettait en scène un héros mi-homme, mi-machine, qui possède un bras cybernétique.

Pour passer de ce premier brouillon de scénario au script, James Cameron engage son ami Bill Wisher qui avait une approche similaire concernant la manière de raconter une histoire. Comme Bill Wisher résidait assez loin de chez James Cameron, les deux se communiquaient des idées de script en enregistrant des cassettes audio, qui compilaient ce qu'ils avaient écrit pendant leurs conversations téléphoniques.

La première esquisse du script impliquait deux cyborgs envoyés dans le passé. Le premier était robotique, tandis que le second était composé de métal liquide qui ne pouvait pas être détruit avec un armement conventionnel. James Cameron n'arrivait pas à trouver une bonne manière de représenter ce robot, déclarant qu'il visualisait des choses dans sa tête qui ne pouvaient pas être faites avec la technologie existante. Finalement, l'idée de deux cyborgs fut réduite à un seul robot. L'idée du cyborg en métal liquide sera reprise avec le personnage du T-1000 dans la suite de 1991.

La productrice Gale Anne Hurd, qui avait travaillé chez New World Pictures en tant qu'assistante de Roger Corman, montra un intérêt pour le projet. James Cameron lui vendit les droits pour 1 dollar symbolique, avec la promesse qu'elle pourrait le produire uniquement si James Cameron le réalisait. En tant que productrice, Gale Anne Hurd suggère des changements dans le script et obtient son nom dans les crédits du générique du film en tant que scénariste alors qu'elle n'a fait aucune écriture réelle.

Une des premières tâches du réalisateur James Cameron est de trouver un acteur pour interpréter le rôle du héros du film, Kyle Reese, la société de production Orion Pictures souhaitant une star américaine montante, ce qui plairait également à l'étranger. Le cofondateur de Orion Pictures, Mike Medavoy, avait déjà rencontré Arnold Schwarzenegger et envoyé le scénario du film à son agent.

James Cameron n'était pas convaincu par le choix de Arnold Schwarzenegger, estimant que ça l'obligerait à trouver quelqu'un d'encore plus impressionnant physiquement pour interpréter le cyborg. Le studio propose alors O. J. Simpson pour le rôle du cyborg, mais James Cameron est réticent, ne le trouvant pas crédible dans le rôle d'un tueur (cocasse).

James Cameron accepte tout de même de rencontrer Arnold Schwarzenegger, mais prépare une parade pour s'embrouiller avec lui et dire qu'il n'est pas fait pour le rôle. Lors de la rencontre, James Cameron est cependant impressionné par l'acteur qui lui explique comment doit être interprété le personnage du cyborg. Après l'entretien, James Cameron annonce aux studios que Arnold Schwarzenegger ne jouera finalement pas le rôle de Kyle Reese, mais celui du cyborg, celui du Terminator.

The Terminator sort en fin d’année 1984, en 1985 en France, pour un budget de 6.500.000$.

Le Terminator incarne le monstre absolu, le prototype ultime de la machine à tuer, indestructible, sans âme et sans pitié. Il possède à la fois l’acharnement du chasseur de primes, le sang-froid du serial killer, la violence du psychopathe. Si il hante avec une telle force l’imaginaire collectif, c’est qu’il renvoie l’homme à sa propre inhumanité, à ses angoisses d’un futur incertain et d’un monde instable qui s’auto-détruit dans sa course forcenée vers le progrès. Il est non seulement un corps aux muscles hypertrophiés et à la stature de colosse, mais surtout un masque figé qui s’effrite au fur et à mesure que le cauchemar atteint son paroxysme. Il est ce monstre à visage humain, aux traits inexpressifs, rigides, implacables. Il est l’essence même du cinéma, machine à fantasmes, machine à spectacle, machine qui pousse les personnages dans leurs retranchements en les braquant avec de multiples caméras. Squelette métallique irréductible, il est cette créature terrorisante qui se repaît des cauchemars des héros qu’il poursuit. Le Terminator est une pure construction cinématographique, transgressant les genres et les modèles préconçus.

James Cameron opte pour une esthétique qui mêle la noirceur du polar urbain à un trait nerveux inhérent à l’univers des comics. La propension à montrer le côté sordide de Los Angeles, celui des ruelles jonchées de papiers journaux et de poubelles, celui des zones industrielles périphériques, celui des éboueurs, des punks et des clochards, tend à façonner un univers sombre, volontiers caricatural. Toujours filmés avec une forme de distanciation ironique, les personnages annexes sont esquissés en quelques traits grossiers. La petite bande de punks, ironiquement mis à mal par le Terminator incarnant un avenir chaotique. Qu’il s’agisse des policiers ou des amis de Sarah Connor, ces faire-valoir se comportent tels des automates, au point de manquer parfois de réalisme. Ils sont de purs types cinématographiques reproduits industriellement d’un film à l’autre, à l’image du T-800, assemblé à la chaîne dans les usines du futur et réapparaissant dans chacune des suites de la saga dans un rôle différent.

Chacune des apparitions du Terminator est annoncée par un thème musical angoissant de Brad Fiedel. James Cameron multiplie les plans fixes cadrés avec un soin implacable et les lents mouvements de caméra afin de mieux retranscrire la puissance du T-800. Ce dernier surgit toujours brutalement dans le champ de la caméra. Sa présence physique monumentale est intensifiée par des contre-plongées vertigineuses ou des plongées écrasantes, selon le point de vue adopté. Les ralentis oppressants, les armes exubérantes pointées au premier plan, l’éclat de terreur dans l’œil des victimes structurent des séquences d’action très chorégraphiées où l’épouvante modifie la perception du réel. James Cameron utilise également des techniques propres au film d’horreur pour distiller un suspense angoissant.

Qu’il s’agisse du répondeur téléphonique, de la télévision ou du Walkman, les objets électroniques occupent une place centrale, voire obsédante. Le film est sorti à une époque où le développement technologique, la commercialisation de l’ordinateur familial, l’expansion du marché des jeux vidéos et de la culture du petit écran sont en plein essor. Le Terminator foule du pied cette société hyper-consommatrice, individualiste et asservie au système. Cela est d’autant plus frappant dans la boîte de nuit, lorsque le déclenchement du ralenti correspond à l’interruption du son diégétique : le Terminator se fraye alors un chemin à travers des corps qui se remuent de manière mécanique, sans contact physique avec autrui, enfermés dans cette recherche effrénée d’un plaisir individuel.

Le Terminator s’attaque également aux points névralgiques de la société américaine, renversant systématiquement les codes propres au polar urbain : il tue l’armurier avec ses propres armes, il met à feu et à sang le poste de police, répand la terreur dans les banlieues résidentielles paisibles, prive le film d’un happy end consensuel. La machine pousse les hommes à revenir aux fondamentaux en faisant table rase de ce qui préexistait.

Arnold Schwarzenegger fascine aussi bien par les traits inflexibles de son visage que par sa présence physique écrasante. Avant de pénétrer dans le poste de police, le Terminator se prépare devant une glace avec la précision du comédien qui s’apprête à entrer sur scène pour articuler la réplique de sa vie : « I’ll be back ! ». Alors que le crépuscule a déjà recouvert d’un voile ténébreux Los Angeles, il se pare d’une paire de lunettes de soleil pour dissimuler la plaie béante de son orbite gauche. C’est le genre d’accessoire qui a participé à forger la dimension iconique du Terminator.

Bien plus sobre, Michael Biehn en Kyle Reese tente tant bien que mal de tendre vers le degré d’insensibilité du Terminator, résistant à la douleur ou prenant des risques inconsidérés. Marqué de multiples cicatrices, son corps porte les marques d’une humanité mise à mal par la toute-puissance des machines. Linda Hamilton en Sarah Connor va évoluer tout au long du récit, passant de jeune femme naïve à figure de résistance et de force face à la menace. Elle incarne une femme ordinaire qui, face à des circonstances extraordinaires, découvre une résilience inattendue. En somme, Linda Hamilton apporte une humanité et une profondeur émotionnelle qui contrastent avec la nature impitoyable du Terminator.

Plus le Terminator sème le chaos, plus sa physionomie humaine se dégrade et plus il incarne pleinement ce futur apocalyptique. Que le Terminator finisse par être détruit dans une usine est tout sauf un hasard. Ce lieu reflète le fonctionnement du cinéma, vaste machinerie industrielle fabriquant de toutes pièces des univers et des créatures extraordinaires défiant l’imagination. Par ses effets spéciaux parfois hésitants, Terminator est un film conçu de manière presque artisanale malgré le travail remarquable de Stan Winston. Le masque du T-800, la démarche légèrement saccadée du Terminator, la vision sommairement esquissée du futur dévoilent une certaine propension au bricolage. Usine à spectacle, le cinéma est cependant plus qu’une machine de guerre industrielle. En cherchant à modifier le passé, le Terminator a poussé Sarah Connor à se métamorphoser en femme forte, prête à accomplir sa destinée. Il a également permis à Sarah et Kyle de vivre une histoire d’amour extra-temporelle, donnant ainsi naissance à John Connor, futur chef de la résistance.

Le studio Orion Pictures ne pensait pas que le film serait un succès au box-office et craignait un accueil critique négatif, cependant, c’est tout le contraire qui arriva. Le film rapporte 78.000.000$ au box-office et obtient des critiques bienveillantes. Le seul point noir arrive de l'écrivain et scénariste Harlan Ellison qui estime que le scénario du film plagie certains de ses épisodes de la série The Outer Limits, notamment Soldier ou Demon with a glass hand. Finalement, Orion Pictures le dédommage financièrement, et son nom est ajouté dans les crédits du film ce qui répugne James Cameron.

The Terminator est un film d’un aboutissement formel exemplaire, conçu par un artisan visionnaire et perfectionniste. Arnold Schwarzenegger a également pleinement participé à la réussite artistique du film. Le Terminator cristallise autour de lui des sentiments contradictoires, entre horreur et fascination, entre peur et jubilation. Il est également le moteur d’un film à l’intensité dramatique prodigieuse, James Cameron parvenant à faire avancer la dramaturgie conjointement aux scènes d'action et sans s'encombrer de séquences explicatives faciles, ne laissant ainsi quasiment aucun répit au spectateur.

Quand le Terminator dit « I’ll be back ! », il tient toujours sa promesse...

StevenBen
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le 25 août 2024

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Steven Benard

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