[Attention, attention ! Cette critique est pleine de spoiles et contient un résumé de l’histoire, que tous ceux qui veulent conserver l’effet de surprise passent leur chemin…]
Je m’assieds dans mon siège plein d’appréhension. Comment Taylor va-t-il traiter ce monstre sacré, le terminator ? Va-t-il nous faire revivre la catastrophe de Renaissance ? D'autant plus que j'avais détesté son Thor. Je me secoue la tête, les pubs vont se terminer. La salle est presque vide, les gens sont relativement calmes. L’expérience cinématographique devrait être optimale. Chuutttttt… Le film commence.
Il était une fois, un monde avant la guerre, plein d’espoir et d’amour… Ah ? On ne doit pas vivre dans le même monde. Bref… Les scènes du Jugement Dernier apparaissent. Impressionnantes. Sans doute une des plus belles scènes de destruction de masse que j’ai pu voir – les ondes de choc sont bluffantes. Et puis, le film démarre vraiment. La résistance, le monde post-apocalyptique, tout ça sonne juste. Une lueur d’espoir s’allume à peine assombrie par les clichés habituels du vieux héros qui sauvent le jeune héros encore enfant ou celui du général qui galvanise ses troupes (mais en fait non, seulement une petite escouade parce qu’on ne voulait pas mobiliser trop de figurants). L’histoire continue et, franchement, je prends mon pied. Tout ce que le film de 1985 ne pouvait pas faire faute de moyen, on nous l’offre ici avec passion. Seul bémol : ça ressemble beaucoup à un remake quasi à l’identique.
Sauf que le film, pour le coup, est plus intelligent qu’il en a l’air : il se fait passer pour un remake pour piéger le spectateur. Les rebondissements s’enchaînent ; les times lines et avec elles les anciens films se mélangent. Le scénario nous sort évidemment l’excuse du « ta gueule, c’est du voyage temporel » mais franchement c’est audacieux, ça fonctionne et ça crée de l’enjeu : impossible de prédire le futur (ahahah). Bon, je ne dis pas, il y a quelques trucs qui clochent : les personnages sont un peu vides, la réalisation n’est pas sensationnelle, mais je suis près à accepter tout ça si l’histoire le mérite. L’espoir s’installe : c’est peut-être un film à la hauteur des autres finalement ?
Tout à coup, bad John Connor apparaît et il amène les premières failles avec lui : une histoire d’amour twiligthesque, un plan machiavélique complètement incompréhensible : ok, Skynet a survécu à l’attaque de départ mais… pourquoi se construire lui-même dans le passé en 2017 si c’était possible avant ? Ou après ? Ces questions viennent gêner l’expérience cinématographique, d’autant qu’elles n’auront jamais de réponse. À partir de là, c’est la débandade. Action, boum, amour, boum, action, ta gueule c’est magique (euh pardon : c’est du voyage temporel), action, etc. etc. On fait du teasing sur la survie finale de old Schwarzy avec une subtilité d’éléphant ; on change les règles du jeu en cours de route en accélérant l’apparition de Skynet parce qu’un compte à rebours normal c’est dépassé, maintenant il faut que le compte à rebours saute direct aux dernières minutes ; on fait tout péter (ce qui est sans doute la partie la plus réussie puisque l’explosion finale est vraiment classe).
La fin est tellement cousue de fil blanc que j’ai voulu croire, jusqu’au bout, à un dernier retournement : les gentils s’unissent grâce au pouvoir de l’amitié – trans-humaine puisque old Schwarzy a appris à aimer pendant son séjour chez les humains –, le gentil robot se sacrifie pour tuer le méchant robot et sauver le monde, mais non ! En fait, il survit et lâche évidemment une réplique d’anthologie (là c’est pas un sarcasme, les répliques de Schwarzy sont toujours anthologiques). On a enfin droit au happy end le plus forcé de l’année : un baiser gratuit, un sourire forcé de terminator et un beau ciel bleu. Le monde est sauvé. Fin.
Ce film est incroyablement décevant. Les pires films sont parfois ceux qui promettent beaucoup de choses mais finissent par gâcher bêtement toutes leurs munitions. Le principe d’entremêler les times lines c’était vraiment audacieux. Mais transformer ça en « mouahahaha, je suis le méchant et je veux dominer le monde… encore ! », c’est cracher sur la franchise originale. Je me rends vraiment compte que si c’est vieux films (Terminator, Robocop, etc.) fonctionnent encore aussi bien c’est parce qu’ils acceptaient une part de kitch et de noirceur. Avec Genisys on a l’exemple typique du film qui fait tout pour plaire au plus grand nombre (héros parfaits, histoire d’amour cucul, explosions impressionnantes, images de nudité qui ne s'assume pas, pouvoir de l’amitié, happy end) et qui du coup finit par être vidé de toute sa substance.
La seule chose à sauver c’est peut-être son actualisation du problème des machines avec la question de la connectivité totale et ses effets spéciaux souvent très réussis. Mais c’est tout. Le titre du film lui-même incarne tout le problème : pourquoi Genisys ? Parce que sur les affiches ça entretient le doute sur la « Genèse » de Terminator… c’est à la mode ces temps ci (hein Prometeus ?). Une façade, rien de plus. J’avoue que ça m’a fait plaisir de voir Matt Smith (voilà la terrible vérité : le Docteur est Skynet !) mais bon… qu’est-ce que son image fait en 2017 ? À part pour aider le spectateur paresseux à se rappeler qui est Skynet, ça n’a aucun sens. Le film se tape tellement de ses personnages qu’il en oublie un : l’excellent Jonathan Simmons qui joue ici un rôle tout à fait anecdotique est juste zappé à la fin alors qu’il servait de fil rouge…
Ce qui me dégoutte le plus c’est qu’avec l’idée d’emmêler les times lines on pouvait faire un film génial, qui rende hommage aux autres sans les copier. Mais non, on a juste droit à un blockbuster farcit de ces moments où on se dit : « non, ils n’ont pas osé ! ». Exemples non exhaustifs : non, Emilia Clarke et Jai Courtney se regarder avec des yeux de vache décédée ce n’est pas jouer l’amour. Non, vos placements de produits ne passent pas inaperçus et celui pour Nike est sûrement l’un des plus putassiers que j’ai vu depuis I Robot. Non, les hélicoptères ne volent pas comme des avions, même en 2017 : ils utilisent toujours une seule hélice principale, ils ne peuvent physiquement pas avoir des mouvements aussi fluides. Et surtout, non, deux fois non, ton happy end n’est pas crédible une minute, parce que Skynet pouvait agir de mille et une autre façon pour éviter de se faire battre et surtout parce que c’est un bras d’honneur à la saga. Les anciens, c’est Schwarzy qui le dit, sont vieux mais pas obsolètes ; toi tu es neuf et superficiel, comme quoi…
En une phrase : un film certes bien foutu mais terriblement vide et fort peu respectueux de ses ancêtres.
[Edit : je viens de découvrir qu'il y avait une scène post-générique que j'ai manqué parce que je suis sorti rapidement de la salle mais vu son contenu (l'annonce d'une suite parce que, OMG, le méchant n'est pas mort) ne fait que confirmer mon impression initiale.]