Terminator 2 : Le Jugement Dernier, c'était comme ce gâteau délicieux que me faisait ma grand-mère. Plein de bons ingrédients de qualités, assemblés avec amour, savoir-faire et tous ces petits détails qui font la différence ; ce gâteau que je mangeais au goûter pendant les vacances et qui me faisait aimer la vie.
Terminator Genisys c'est la reproduction industrielle de ce gâteau. Vous savez, ce gâteau générique d'une « grande marque » en promo dans les rayons, qui prétend reproduire la recette de grand maman ? Ce gâteau à la liste d'ingrédients incompréhensibles, trop longue et comprenant le sucre comme élément principal avec l'huile de palme en second? Ce gâteau pâteux qui n'a ni le goût de la farine, ni du chocolat, ni de la confiture. Ce bloc de sucre bourré d'édulcorants, d'exhausteurs de goûts et d'OGM.
Sauf qu'en plus il est périmé.
Dans la salle, assis derrière-moi, un jeune homme de ma génération parle à son pote des dernières chaussures Nike qu'il a achetées chez Jules dans la galerie marchande d'Auchan. Vous voyez, le genre de gars aux cheveux rasés sur le côté, habillés bien propres, le genre de gars qui ne se prennent pas la tête, qui rentrent bien dans le moule, qui se trouvent des compagnes en claquant des doigts, parce qu'entre gens banals on s'assemble facilement. Le genre de gars qui parlent de régime en prenant les escalators.
Quelle triste ironie d'avoir droit, peu après le début du film, à un placement de produit sur des CHAUSSURES NIKE.
La boucle est bouclée, voyez-vous je me sens tout à coup oppressé. Consommateurs et pub, pub et consommateurs, la boucle est bouclée et au centre du nœud mon cou est estropié, on m’étrangle et j'étouffe. Oui j'étouffe ! Dans cette surconsommation, cette surproduction. On veut me faire croire que je suis en face d'une œuvre d'art mais cette prétendue œuvre n'est plus qu'un produit qu'on me vend.
Ce film est aussi forcé que le sourire du T-800 que même Schwarzenegger n'arrive plus à rendre charismatique. Dans Terminator 2, le rôle paternel que tenait le robot était subtil. Là, ça insiste sur « papy » tout le temps, ça joue la carte du mélodramatique avec des musiques bieeeeen appuyées pour émouvoir.
Les scènes d'action ? Parfois ridicules, parfois injustifiées, souvent pénibles à déchiffrer.
Question voyage dans le temps et enchevêtrement spatio-temporels (thèmes très utilisés de notre époque), c'est la débandade (d'ailleurs je débande). La paradoxe de la causalité ? ON S'EN BAT LES NOIX ! Après tout, qui ira décortiquer le film pour expliquer pourquoi c'est incohérent, afin de ne pas passer pour un critique énervé, démuni d'arguments solides, comme celui que vous êtes en train de lire? Certainement pas le fainéant qui est en train d'écrire ces lignes.
« Sarah Connor ?
- C'est le film à côté. »
Franchement, Emilia Clarke ne fait pas une bonne Sarah Connor. Bon sang, je dois avoir l'air d'un de ces vieux nostalgiques de leur enfance alors que je n'ai que vingt-deux ans. Sachez que je n'ai rien contre le changement, par exemple j'adore Tom Hardy dans Mad Max Fury Road, et pourtant le travail originel de Mel Gibson sur ce personnage est admirable.
Là, ça ne passe pas, que voulez-vous.
L'humour ? Tout pareil, ça veut faire retrouver au public la jubilation qui a rendu Terminator 2 culte. Et je n'ai pas souri une fois en deux heures. Mon visage s'est même décomposé. Et ces blagues sur la vieillesse ? Sérieusement, film?
Le pire c'est que je l'avais présagé avec la bande annonce (si si, le spoiler intégral de quelques minutes c'était une bande annonce en fait !), c'est un peu par hasard que je l'ai vu ; autant citer la réplique d'un autre film culte qui subit le même problème: boy, do I hate being right all the time.
Le problème d'une critique comme la mienne, c'est qu'elle va tout de suite paraître très négative et énervée, peu constructive. En vérité Terminator Genisys divertira du monde. Il ne mérite peut-être pas la note lapidaire de 1/10.
Mais ma peine relève d'un problème plus large dont ce film est emblématique: même si des millions de gens ressortiront contents de la salle, les studios auront fait du fric sur leur dos et les auront arnaqués avec un film oublié sitôt qu'on l'a vu.
À Hollywood, plus de prises de risques. On ne fait qu'exploiter des licences connues pour être sûr de faire du blé. Terminator Genisys n'est pas l'archétype d'un mauvais film, plutôt celui d'un film superflu et intéressé.
L'époque des deux premiers Terminator, c'était avant l'essor commercial des grosses productions. Bien sûr qu'ils avaient aussi pour but de faire de l'argent, mais c'était avant tout de bons films réalisés par un réalisateur inspiré. Quand ils sortaient, c'était un événement. Un film de cette importance, il en sortait deux, trois dans l'année. Et ils était souvent très originaux, très créatifs et très amusants.
Aujourd'hui, des grosses productions, il en sort treize à la douzaine, et elles se ressemblent presque toutes. Un nouveau Terminator sort, et tout le monde s'en fout. Même les fan savent qu'ils n'auront droit, dans le meilleur des cas, qu'à un ersatz de l'original.
Ce qui me désole profondément c'est que pendant ce temps, d'excellents scénarios et de beaux projets sont rejetés pour ne jamais aboutir.
À la sortie de la salle j'entends les deux potes aux cheveux fixes donner leur avis à chaud :
« Franchement il est bien hein ?
- Ouais c'est clair, en plus c'est vachement bien fait le truc du voyage dans le temps.
- Grave, c'est pas comme si tu vas voir Fast And Furious, tu vois, là c'est autre chose. C'est compliqué à faire»
J'avais envie de leur dire que non, que c'était mauvais (pour ne pas être vulgaire), qu'ils devraient être aussi déprimés que moi, au lieu de quoi je les ai laissés baigner dans leur béate satisfaction et je suis rentré chez moi en bon sociopathe e-raisonné.
Genisys, un film industriel motivé par le rendement, ne fait que reprendre une recette d'autrefois pour nous la vendre réchauffée sous le même nom, telle une marque déposée qu'on achète par habitude.
Cet enchaînement de situations sans surprises à l'émotion forcenée et à l'humour lourd créent un amas fade et surfait qui mène à une sorte de happy end dégoulinante, me laissant, spectateur déçu et désabusé,
sur une fin qui se termine à tort.