Le choix de l'affiche montre déjà tous les paradoxes évoqués par le film : un groupe de touristes qui saute d'un bateau en pleine Mer Méditerranée, ce n'est pas la première image qui nous vient à l'esprit lorsque l'on évoque les naufrages de clandestins. Et en effet, le film entier joue sur ces contradictions entre les plages de sable fin aménagées pour les touristes et la réalité des clandestins, que l'on tente de dissimuler aux vacanciers. La mer joue évidemment un rôle essentiel, à la fois source de vie, mais aussi danger de mort, sur cette île à plusieurs facettes, où les uns vivent, insouciants, dans les paysages ensoleillés, les autres dans l'ombre des maisons et des bateaux. Sans jugement, sans oublier les difficultés des clandestins comme des insulaires, Crialese fait se confronter et cohabiter (parfois à l'insu de certains) plusieurs mondes : sans-papiers, touristes, vieux pêcheurs attachés aux traditions, et jeunes de l'île à l'avenir incertain. La force du film réside à la fois dans la volonté du réalisateur de nuancer les portraits des différents groupes, et dans ces questions de morale posées sans accusation contre certains habitants impuissants face à la loi. Une très belle bande originale, des paysages et une mer envoûtants, et plusieurs scènes simples mais particulièrement fortes et émouvantes, n'entachent pas cet agréable tableau.