Sale coup pour Jérôme Sauvage (Olivier Gourmet) qui se fait licencier brutalement par son employeur, parce que ses résultats fléchissent. Jérôme est un cadre qui travaillait pour cette boîte depuis une vingtaine d’années et qui clame son enthousiasme pour la grande distribution. Ce qu’il aime, c’est voir les clients affluer dans les grandes surfaces en périphérie des grandes villes.


Fort de son expérience, il contacte un chasseur de têtes qui le reçoit, beaucoup trop mollement à son goût. Alors, au culot, parce qu’il a sa fierté, il va tenter un retour gagnant et prendre tout le monde à contre-pied (tactique souvent efficace sur terre-battue). En tant que porteur d’un projet rentable, il se sent sûr de son affaire. D’ailleurs, il a une idée précise, aussi bien sur l’emplacement (un magasin qu’il compte racheter, à l’emplacement stratégique) que sur ce qu’il va vendre. Le magasin de bricolage cèdera la place à une enseigne de chaussures. Cela devrait plaire à sa femme Laura (Valeria Bruni-Tedeschi, jeu nettement plus sobre que certaines fois) à qui il décrit l’avenir à coups de placards remplis de chaussures. Problème, Laura réalise soudain que ces projets l’ennuient profondément. Elle semble beaucoup plus impliquée par l’inauguration de la médiathèque, dernière réalisation de son patron architecte.


Si Jérôme a subi un revers, son fils Ugo, lui, en a un de qualité, à deux mains ! A 11 ans, il est détecté par la charmante Sylvie (Vimala Pons) comme un réel espoir du tennis français. De joueur de club, voilà Ugo propulsé aspirant à une place au centre technique national, dans le saint des saints, Roland-Garros. Dans un premier temps il est invité à s’entrainer dans un centre régional, en compagnie d’autres garçons de son âge. Ugo pourrait choisir l’athlétisme (pour exploiter ses qualités physiques) ou bien le football (son père lui fait découvrir l’ambiance chaleureuse du RC Lens autour des joueurs au maillot sang et or). Non, ce qu’il veut, c’est jouer au tennis. Si possible avec une chemisette rouge comme celle portée par Federer plutôt qu’avec le maillot omnisports offert par son père. C’est vrai, à quoi rime ce numéro 78 floqué dessus ?


Bref, le film semble hésiter sur la voie à suivre. Le père ou le fils ? Attaque ou défense ? Contrairement à ce que le titre laisse supposer, le tennis passe souvent au second plan. Les déboires du père retiennent pas mal l’attention du réalisateur, Stéphane Demoustier. L’ascension d’Ugo n’est présentée qu’en parallèle, presque de façon anecdotique. On remarque néanmoins que le milieu du tennis est montré de façon très crédible, avec les méthodes d’entrainement, la préparation psychologique et l’ambiance générale. Les séquences de jeu sonnent tellement juste qu’on regrette leur faible minutage dans le film. Et si le film laisse trop longtemps penser que le réalisateur hésite sur ce qui l’intéresse vraiment, la dernière partie est convaincante. Tout compte fait, le scénario évite des lieux communs tels que parents projetant leur ambition personnelle dans l’avenir de leurs rejetons, omniprésence de l’argent dans le monde du tennis (pas question ici de contrats publicitaires ni d’agents de joueurs), ou entraineur malsain. Ce dernier (Antoine Loison) fait quand même monter la pression en incitant des garçons enthousiastes et influençables à se dépasser physiquement. Vu la dépense en énergie (et le temps que cela implique sur le court), on imagine sans peine les futures tendinites et autres entorses aux chevilles. A ce propos, le réalisateur fait son possible pour éviter que ces jeunes qui tripotent bien la balle ne voient leurs chevilles enfler à cause de lui. Oui, ils ont été filmés et ils imaginent leurs futurs exploits en regardant un match Almagro-Nadal à la télé pendant Roland-Garros, mais ils n'apparaissent dans le générique de fin qu’au titre de figurants. Si vous voyez le film, un visage risque de vous marquer, celui du jeune Loris. Je ne pense pas que ce soit du cinéma quand il affiche un sourire de satisfaction après un service à 160 km/h à l’entrainement (les copains se contentent de 137 pour la plupart). Quand on voit son aisance sur le court, sa technique (y compris en attaque), on le voit bien dans la peau d’un champion… en herbe ! Mais ne nous enflammons pas, il aura 18 ans aux alentours de 2022, c’est encore loin.


La dernière partie fait la part belle au jeu, mêlant suspense sportif et psychologique. Après avoir joué sur un faux rythme, le réalisateur dévoile son jeu et conclue sur un smash fracassant. Malheureusement, l’esprit sportif en prend un sacré coup, surtout quand on pense à l’âge des protagonistes.


Le film est coproduit par Jean-Pierre et Luc Dardenne. Cela se sent notamment par la présence d’Olivier Gourmet en tête d’affiche, leur acteur fétiche ici sans lunettes. Toujours une très belle présence, malgré un rôle où il pourrait n’être qu’un faire-valoir. Ses déboires sentimentaux n’apportent rien. Il est plus intéressant de le voir en père un peu étranger à l’avenir sportif de son fils ou en gamin attardé faisant la foire avec son pote parce qu’il a besoin de décompresser. Son fils Ugo est joué par Charles Mérienne dont on remarque sur l’affiche que le tamis de sa raquette est presque démesuré par rapport à la taille de son visage. Cela me semble révélateur, car la perspective qui s’offre soudain à lui est peut-être trop belle. Qu’est-ce qui peut mettre un frein à ses ambitions ? Un adversaire plus doué que lui ? Son héritage social, l’égoïsme de son père, sa situation familiale qui se détraque, son manque de réflexion par rapport aux conséquences éventuelles de ses actes ? Difficile à dire, c’est un gamin de 11 ans qui ne demande qu’une chose, jouer au tennis parce que c’est ce qu’il aime faire.

Electron
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le 28 déc. 2014

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