Western de série B urbain et original car c'est le shérif que la ville veut lyncher

Un western de serie B (de la Columbia, plus habituée des serie A) dont le scénario est une variation interessante et même subtile sur les interactions entre les individus, sur l’application de la loi et sur une communauté de l’Ouest quand ces trois dimensions sont confrontées à la mise en oeuvre d’une sanction contre un enfant du pays qui a mal tourné. 

La mise en scene est excellente concernant les passages obligés d’un western urbain.

Le hold up de la  banque du debut est captivant (prémisses, exposition, déroulement, tension dramatique, suspense, montage).

Et le gunfight final est remarquable : il commence comme une réaction collective à l’évasion de l'outlaw (aidé par deux complices), et il se termine dans un échange de coups de feu à un contre un  (avec quelques interférences de proches).

C’est un final à la Andre De Toth : une poursuite dans la ville qui résonne sur les galeries en bois des maisons puis se transpose dans un corral, jusqu’à ce que le méchant soit abattu (sur la potence qui avait été dressée pour lui et à laquelle il avait échappé par la grâce d’une pétition citoyenne !).

Entre ces deux moments là, l’évolution dramatique dans le film concerne surtout des  conflits moraux : des conflits de loyauté entre les villageois, des conflits dans les relations amoureuses ou amicales et des conflits dans le lien filial entre le marshall et sa fille car elle est restée attachée au délinquant juvénile devenu un tueur accompli.

L'evolution de la communauté est originale. Elle passe d’un élan immédiat vers le lynchage au déni de la culpabilité du jeune, et son hostilité collective se déplace du malfrat vers le marshall.

Celui-ci, joué par Fred McMurray est souvent présenté dans les critiques cinéphiles (y compris par Patrick Brion et Bertrand Tavernier) comme marmoréen dans son désir d’appliquer la loi. Ici, il montre au contraire, à mon avis, une évolution plutôt subtile de sa psychologie qui se traduit bien dans ses actes : par exemple il va aller quérir la grâce du voyou auprès du gouverneur dans une autre ville.

Il est certes traversé par des mouvements de crispation devant la faiblesse de ses concitoyens, mais aussi par des mouvements d’humanité et de réflexion contraire que plusieurs personnages vont influencer : le juge qui se saoule après la condamnation à la potence du jeune ; sa fille qui aime le voyou ; sa propre fiancée qui oppose leur mariage futur et le service obtus de la loi ; et même l’épouse du shérif tué qui le réconforte.

Fred MacMurray est tres bon dans le rôle du marshal : c’est un Randolph Scott moins monolithique.

On apprécie de retrouver Robert Vaughn tout jeune, dans le rôle d'un voyou dissimulateur, qui fait notamment une envolée mélodramatique remarquable au tribunal.

Joan Blackman est encore une jeunette qu’on verra plus tard dans deux opus d'une série (de films) avec Elvis Presley. 

La fiancée du marshal est Maggie Hayes : actrice réputée pour des seconds rôles dans des films noirs, elle n’est point trop à sa place ici. 

A noter que la musique est empruntée à d'autres westerns, dont "3h10 pour Yuma", un des chefs d’oeuvre de Delmer Daves : on reconnait le splendide air mélancolique à la guitare qui accompagnait la romance d’un après midi entre la saloon girl et le bandit.

(Notule de 2019 publié en décembre 2024)

Michael-Faure
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le 21 déc. 2024

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