Un western naturaliste proche de La dernière piste de Kelly Reichardt pour cette impression de vide plutôt que de Bone Tomahawk de S.Craig Zahler pour l'aspect horrifique. Si la volonté de se sortir des entiers battus est bien présente, The Wind – et on pense aussi à The Witch de Robert Eggers, avec l'émancipation violente d'une femme soumise à son époque - reste sur une intrigue qui reprend les ingrédients habituels au genre, mais le thème est d'autant plus intéressant qu'il s'ancre dans l'histoire.
Au début du XXè siècle les colons américains du Sud et quelques étrangers partent s'installer dans les confins isolés aux terres arides et inhospitalières, et seront confrontés à la solitude extrême, leur rêve d'une vie meilleure, bien souvent déçu. Les plus proches voisins se situaient à plusieurs kilomètres, la médecine inaccessible et les enfants mourraient faute de soins rapides, les modes de transport se résumaient au cheval, la nourriture à de maigres cultures et à une volonté farouche et à terme défaillante, et partir faire ses achats pouvait prendre plusieurs jours, laissant les femmes seules dans la seule attente du retour.
Le rapport à la solitude au fin fond de l'Ouest américain fait écho à notre société contemporaine, où les causes de nos maux se sont adaptées mais où l'isolement, toujours, peut avoir des conséquences néfastes sur l'intégrité mentale.
Emma Tammi dont c'est le premier film, a travaillé par un documentaire sur les conséquences de l'éviction sociale et s'est documentée sur ce mal des prairies pour ces conquérants du nouveau monde, allant de la dépression, à la violence et pour certains jusqu'au suicide.
Les tourments de l'âme prendront la forme d'une présence maléfique à l'emprise violente sur cette femme esseulée, soumise à un démon dont on se saisira pas la volonté, plutôt floue. D'un événement dramatique les temporalités se mélangent pour expliquer la destinée de ces personnages, les contrastes entre scènes de jour ramenant à la réalité et scènes de nuit pour s'ancrer dans le fantastique nous interrogent sur l'existence même d'un démon ou d'une vue d'un esprit paranoïaque, confronté aux superstitions religieuses. Seulement soutenue par la foi, arme tout autant salvatrice que réductrice, les deux forces invisibles viendront corrompre la réalité.
La réalisatrice se perd pourtant dans ses multiples choix narratifs. Le deuil, la relation de couple, celle de voisinage, enfermant ces prises de vues sur les seuls aller retour d'une maisonnée à l'autre, presque identiques, pour signifier la perte de repères, mais le cheminement de Lizzy par des flashbacks nous guidant franchement sur le fil de la compréhension ôte tout suspense.
Cette nature sauvage à l'horizon infini et solitaire, dont on s'attend à des prises de vue grandioses ne sont que rarement inquiétantes. La psychologie des personnages, leur passé, leur motivation à cette vie, leur activités sont passés sous silence, difficile alors de ressentir une vraie tension. Même si quelques prises valent le coup d'oeil, c'est surtout cette empreinte sur les sentiments que peut donner un vent qui souffle éreintant, aux tonalités criantes et perturbantes, qui auraient pu, par sa seule présence audible, marquer d'autant plus cet enfermement à ciel ouvert, qui manquera cruellement à l'appel.
Pour le coup la traduction française semble être plus judicieuse.