Je n'ai jamais regardé de films d'horreur car je n'ai jamais aimé l'horreur. Enfin, pour être plus précis, je n'ai jamais pris de plaisir à avoir peur.
Si je me suis lancé dans le visionnage de la trilogie Terrifier c'est donc bien plus pour le côté polémique et intriguant de la chose (un film interdit aux mineurs pour la première fois depuis près de 20 ans en France ! ) que par simple envie. Et puis quoi de mieux, vous dirais-je, que de pénétrer un genre par ce qui semble en être la tête d'affiche officielle (du moins depuis ces dernières années, respect aux Classiques cela va de soi) ? Un bon visionnage prévisible, une peur assurée !
Peur... peur... La peur... Google nous l'a définit comme "une émotion qui accompagne la prise de conscience d'un danger, d'une menace." Le Larousse, le Robert et le Cnrtl s'alignent à cette description. Mais...durant ma séance, ai-je éprouvé un quelconque ressenti d'angoisse ? Quand je plissais les yeux, était-ce par peur que les méfaits imposés aux protagonistes me saisissent ou par simple dégoût visuel ? Car pour être franc, peureux comme je l'ai toujours été, je ne me suis pas senti une seule fois en insécurité devant les trois métrages. Je n'ai jamais retenu ma respiration lors de ces scènes muettes destinées à introduire un jumpscare. Enfin, en période de post-visionnage, je n'ai retrouvé aucunement ce sentiment commun étant de fantasmer psychotiquement d'éventuelles attaques de l'antagoniste que l'on s'est coltiné 2h durant.
La réalité est que ce ne sont pas des films d'horreur qui font peur mais des films qui dégoûtent, des films qui dérangent. Ils cherchent l'épouvante bien sûr, ce n'est pas faute d'essayer, seulement quand on utilise aussi mal l'art du suspens cela rend la tâche ardue. Si le résultat proposé est inefficace, c'est principalement en raison de méthode tellement primaire et niaise, à croire que Leone (Damien, pas Sergio, Dieu m'en préserve) se fout de ses spectateurs. Prenons par exemple les scènes de coups de hache.
Mise en situation : notre jeune et solitaire protagoniste se retrouve dans un lieu lugubre. Gros plan sur son visage et ses yeux attentifs, l'arrière plan est flou. Elle avance despacito... La musique extradiégétique, qui nous tenait en haleine jusque là, s'arrête. Silence dans la pièce. Ses yeux regardent à droite à gauche : la caméra analyse la pièce de droite à gauche. Grinssements perceptibles. Focus sur les yeux du personnage apeuré. BOUM ! , dézoom et entrée dans le champ inopinée du méchant avec un visage terrifiant.
(et c'est là que "Le bal des plans" commence... Mesdames, veuillez choisir votre cavalier, prenez-en un qui a du cardio de préférence)
Plan sur bouche qui cri avec visage effaré -> plan sur tête du psychopathe -> plan vu d'ensemble des deux personnages -> plan sur bras du tueur qui lève sa hache -> plan sur la hache qui parvient au sommet de son élan avec la victime apeurée en fond -> plan vu d'ensemble avec hache qui enclenche sa trajectoire -> plan sur l'entièreté du corps de l'actrice -> plan sur la hache qui va finir sa trajectoire -> plan sur le corps artificiel transpercé par la hache -> plan sur le visage hurlant de douleur de la victime -> plan sur le sourire sadique du tueur -> plan du corps artificiel avec sang dégoulinant -> plan vue d'ensemble ->... Mes poignets sont essoufflés je m'arrête là.
Résultat des courses :
_30 plans enchaînés pour une scène de 20 secondes : Validé
_Pseudo-facilité de mise en scène : Validé
_Assurance d'avoir une scène potable : Validé
_Entorse de la main pour le scénariste : Validé
_Implémentation de l'angoisse chez le spectateur : Refusé
Cette méthode qui vise à sur-utiliser les enchaînements de plans est non seulement inefficace mais aussi malheureusement très présente dans le cinéma actuel. Elle confère chez les réalisateurs une habitude maladive, provoquée par les délais des studios bien trop étroits et restrictifs. Car il est évident qu'une scène à laquelle on octroie la possibilité d'être réitérée sans limites se verra accorder une richesse cinématographique sans pareille. On le retrouve d'ailleurs totalement chez Buster Keaton, Charlie Chaplin, Sergio Leone, Gaspard Noe ou encore Wes Anderson pour ne citer que ceux qui me viennent à l'esprit.
Avouons de plus que si Terrifier 3 n'est pas terrifiant, il n'est pas non plus très "dégoûtant". Faire une référence au classique du genre avec la scène "Here's Johnny" de Shining c'est bien, mais prendre exemple sur des métrages dans une trempe similaire à soi, c'est mieux. La plastique du film aurait tellement plus gagné en crédibilité si elle visait à maintenir ses plans sur la rudesse du corps comme à pu le faire de façon très réaliste (et quelque peu sadique) Hideshi Hino avec la série des Guinea Pig. Quand le psychopathe de Guinea Pig 2 coupait les membres de sa pauvre victime, c'était sans fond sonore, méthodique et magnifiquement effroyable. Les parcelles du corps ne se détachait que sous les répétitions de coups de scie, le sang coulait à flot régulier et on accordait une importance aux différentes couches des membres. Tout détruire avec une hache, un pied ou une masse c'est beaucoup moins terre à terre comme approche...
Pour ce qui est des points positifs (car il y en a bien sûr), j'aimerai tout d'abord signaler la belle évolution dont Damien Leone a fait preuve au fil de ses films. Là où le premier volet ne daignait accorder une once de plausibilié scénaristique pour ne laisser place qu'à une violence perverse, le deuxième accorda plus de temps à la caractérisation des personnages et des enjeux sans pour autant fournir une crédibilité aux actions. Enfin, ce troisième film admet à Sienna et ses proches de suivre une vraie logique dans leurs décisions, il se permet quelques gags qui marchent plutôt bien et surprend souvent par l'originalité des mises à mort. Je ne peux néanmoins affirmer que la mort de tel ou tel personnage m'ai ne serait-ce qu'un peu attristé, la qualité du scénario restant systématiquement bâclée.
Il est plaisant de remarquer l'ascension d'Art le clown (et, indirectement, de la saga Terrifier) dans sa qualité de personnage fictionel. D'abord mort à la fin de Terrifier 1, on le voit braver la mort puis la soudoyer (par l'intermédiaire de sa partenaire de voyage) dans Terrifier 2 pour enfin la contrôler dans l'épisode 3. Il ne reste à son corps plus que la possibilité de tuer, mourir n'étant pas envisageable. Une immatérialisation astucieuse de la peur, totalement corrélée à notre monde actuel.
On pourrai même relier cette ascension spirituelle aux références bibliques de plus en plus évidentes dans les trois métrages (le costume archangélique de Sienna, les crucifictions altérées des victimes d'Art, la couronne d'épine, les enfers,...).
Terrifier 3 n'est donc pas une réussite dans l'ensemble même s'il s'assure la tête du podium de la trilogie. Il n'a pas eu sur moi comme sur beaucoup de personnes (à en voir les réactions médiatiques) l'effet escompté, il s'agit sans doutes d'un film victime de son propre genre, et de son public.
Et ne craignez pas ceux qui tuent le corps mais ne peuvent pas tuer l'âme. Craignez plutôt celui qui peut détruire l'âme et le corps en enfer.