Art le clown peut se targuer, mine de rien, d'une descendance déjà nombreuse : trois courts-métrages et désormais trois films mettent en scène ses facéties sanglantes. Bon, oui, deux et demi, si vous voulez, All Hallows' Eve étant une anthologie en 2013...
Mais qui avait réellement saisi tout le potentiel de ce drôle de zigue dès 2008 et The 9th Circle, alors qu'il n'était seulement qu'une figure du mal parmi d'autres ? Qui avait réellement perçu, derrière cette apparence d'oeuvre très fauchée, que Damien Leone allait s'imposer tel un Sam Raimi moderne en exploitant son personnage et son art de la transgression avec un budget misérable ?
Enfin, personne n'avait ne serait-ce qu'imaginé Art le clown mettre une telle fessée à son collègue Arthur Fleck, dans un duel qui n'aurait jamais dû avoir lieu.
Un tel succès et un tel impact ne sont pas seulement le fruit du hasard.
Oui, il y a bien cette interdiction aux mineurs de Terrifier 3, qui n'avait plus été envisagée depuis Martyrs, de Pascal Laugier, en 2008. Mais s'agit-il vraiment de censure, quand une telle classification est aujourd'hui brandie comme un trophée afin de surfer sur le soufre dont elle est entourée ? Au moins garantit-elle peut être un public un tout petit peu plus civilisé, purgé de ces ados idiots et tête-à-claques en forme de fléau du genre horreur dans les salles obscures.
Il y a évidemment cette absence apparente de limites et de tabous dans la violence, voyant la saga Terrifier aller toujours plus loin dans le gore, le malaise et l'outrance héritée du grand-guignol, empêchant de regarder tout cela avec trop de sérieux, même si parfois, la peur s'empare de l'écran. Terrifier 3 s'en donne aujourd'hui à coeur joie, en s'attaquant à tout ce qui bouge, en variant les armes pour commettre ses atrocités et en tutoyant certaines scènes choc de Terrifier 2, sans pour autant les surpasser. Ni réellement surprendre, car Terrifier 3 semble aujourd'hui rentrer un peu plus dans le rang du slasher en en imitant les codes les plus évidents.
Mais il y a surtout, et Terrifier 3 le confirme de manière tout à fait heureuse, cet amour renouvelé des effets spéciaux pratiques, cette inventivité dans la représentation de la violence à l'écran et le caractère gratiné des sévices subis par les victimes d'Art.
Tiens, parlons-en de cette ordure : ultra charismatique, tour à tour rigolard, inquiétant, cruel, imprévisible et provocateur, à la croisée des chemins de l'archétype du boogeyman. Silencieux comme la mort, tel Michael Myers, mais adorant se mettre en scène comme Freddy Krueger. C'est que le masqué serait presque jaloux de son nouveau collègue. Car cela faisait longtemps que le genre n'avait pas accouché d'un méchant aussi magnétique, déstabilisant et dérangeant dans ses attitudes de mime déviant, ses approches malsaines et tout le sarcasme émanant de son corps élastique et de son sourire noir de septicémie.
La période de Noël dans laquelle évolue Terrifier 3 lui va comme un gant, tandis que l'oeuvre s'inscrit pour la première fois de la saga comme une suite directe permettant de développer sa propre Laurie Strode et ses traumas, ou encore son personnage de final girl totalement taré et sous emprise transformé en âme damnée du clown génocide.
En réglant les problèmes de rythme et la durée excessive de son grand frère, Terrifier 3 s'impose comme l'opus de la maturité, faisant office, toutes proportions gardées, de petit Empire Contre-Attaque dans le cadre d'une franchise qui n'a pas encore livré tous les secrets de son univers fantastique, qui lorgnera sans doute, dans l'esprit, du côté de l'atmosphère de Hellraiser dans la quête menée par son héroïne.
Et si certains essaient déjà de minorer les mérites de l'oeuvre et de dépeindre Terrifier 3 comme une bravade bêtasse ou très basse du front, Damien Leone a l'immense mérite de continuer à inscrire sa saga comme un opus atypique et pirate au sein du genre. Et ce malgré les augmentations sensibles d'un budget désormais proche du standard pour un film d'horreur.
Réussir à garder son intégrité, sa cruauté et son sens de la provocation dans de telles conditions n'est pas un mince exploit.
Behind_the_Mask, en gore et en gore.