Pour son premier long-métrage, Olivier Abbou, auteur de plusieurs courts et de la mini-série "Madame Hollywood", tourne à Montréal en langue anglaise une production franco-canadienne dont il co-écrit le scénario. Nous suivons donc une bande de potes américains revenant d'un mariage au Canada et se faisant arrêter par la douane sur une route frontalière en pleine forêt. La situation dégénère rapidement et nos désormais quatre amis vont être emprisonnés et torturés par deux cinglés nationalistes qui y voient une escouade de terroristes.
Partant d'un postulat génial qui dénonce les dangers de l'après-guerre et la parano de certains Américains pure souche, Territoires se prend hélas les pieds dans le plat après une longue introduction sous tension. Dévoilant trop rapidement les tenants et aboutissants de son intrigue, le film souffre d'un rythme en dents de scie, se concentrant sur les deux ravisseurs et leurs motivations pour en oublier leurs victimes, point de départ d'une intrigue partant hélas dans tous les sens. Drame intimiste, film de torture psychologique, critique sociale engagée, enquête policière vaine et maladroite... Abbou en fait trop, incapable de se concentrer sur un sujet et d'y venir à bout.
C'est d'autant plus dommage que les acteurs, peu connus du grand public, s'avèrent tous convaincants (hormis pour Stephen Shellen, sosie canadien de notre Yvan Le Bolloc'h national, peu crédible en détective privé taciturne). De plus, la mise en scène reste dans l'ensemble soignée, avec de bonnes idées ici et là et une direction artistique résolument soignée. Mais arrivés en fin de parcours, nous avons la désagréable sensation que le film n'a rien raconté, n'a proposé qu'une ellipse sans forme à un propos au fond sérieux. Trop engagé, dénonçant sans vergogne un racisme bien réel en le mêlant à une fiction finalement peu éprouvante pour ne pas dire caricaturale (mais qui aurait pu donner un film sensiblement violent), Olivier Abbou ne réussit pas à nous embarquer dans ce qui aurait pu être une première œuvre marquante.