Tesis
7.1
Tesis

Film de Alejandro Amenábar (1996)

Le Cinéma a sa légende urbaine : le snuff movie. Pour les deux du fond qui n'ont jamais entendu parler de ce terme, allez sur wikipedia. Impossible de dire si oui ou non ce genre de chose ont vraiment une base véridique, et surtout s'il existe un réel "marché", même si la nature humaine ne fait aucun doute sur son vice, et qu'on se souvient tous de ce qui s'est passé en Irak, dans les deux camps.
Certains films jouent de ce "fantasme", comme d'un ressort horrifique dans des thrillers à la qualité variable. On peut citer, pour les plus connus, le très mauvais 8mm de Schumacher, le bien plus respectable Videodrome de Cronenberg ou encore le culte Hardcore de Schrader. Tous ont comme sujet, en toile de fond, notre nature humaine qui nous pousse à être naturellement intéressé par ce sujet, notre tendance au voyeurisme. Et l'un des plus brillants nous vient de la péninsule ibérique...

Angela fait une thèse sur la violence et l'audiovisuel. Afin de compléter un chapitre, elle demande à son professeur de bien vouloir lui fournir des films aussi dépravés que possible. Le professeur Figueroa accepte mais sera retrouvé mort le lendemain. Angela s'allie avec Chema, un autre étudiant en cinéma, fan de film d'horreur, et leur enquête vont les amener à découvrir ce qui ressemble à des snuff.

Premier film d'Alejandro Amenabar, qui vient de décevoir avec son mauvais Agora, Tesis surprend tout de suite par sa maîtrise. Dès la première séquence, qui montre Angela, dans le métro alors qu'on évacue la station pour cause d'un suicide, attirée fatalement par l'envie de voir le cadavre. Comme tout un chacun, cette envie n'est-elle pas la cause des bouchons créés par des automobilismes aguiché par la vision d'une ambulance affairée ? Le réalisateur pose avec brio ce personnage, de sorte que le spectateur se prend immédiatement d'empathie pour elle et pour les innombrables doutes dont elle sera victime.

Car il faut dire que le scénario apporte son lot de pistes et fausses pistes. Peut-être un peu trop centrées sur les mêmes personnages, mais c'est aussi ce qui créé cette sensation d'étouffement qui imprègne le métrage. Une séquence illustre bien tout l'esprit du film et celui de son réal : Angela et Chema on rassemblé des preuves qui les mènent jusqu'aux sous-sol de leur fac. Malheureusement, ils se rendent vite compte qu'ils ne sont pas seuls et se retrouvent enfermés, sans autre source de lumière qu'une boîte d'allumette. Une situation classique, que Amenabar étaye avec toute une tirade de Chema, un conte à pour rassurer son amie. Ce conte prendra une signification plus tard, ou pas, et le spectateur, sans pour autant s'en apercevoir consciemment, enregistre inconsciemment les paroles pour se dire "c'est vrai que c'était étrange, ou pas" le moment venu.

Le formel est donc d'une qualité surprenante pour un premier film, mais le fond est-il du même acabit ? La réponse est oui. Après la brillante présentation du personnage d'Angela, le sujet du voyeurisme passe totalement à la trappe au second plan, pour favoriser la trame, mais ne disparaît jamais. Le professeur de psychologie du cinéma remplaçant celui mort dit et répète : "Le cinéma, c'est de l'argent. Il faut y penser comme une industrie et donner au public ce qu'il veut voir !". Et cette phrase trouve une certaine résonnance, associé au sujet du snuff...

Attention, spoil ! Le nom du (ou des) tueur(s) n'est cependant pas révélé !

Mais c'est surtout la toute fin qui a particulièrement retenu mon attention Alors que l'affaire est bouclée et que les deux jeunes se baladent dans un couloir d'hôpital, la télé passe des extraits des cassettes snuff, et ils entendent : "Y-a-t-il un public qui demande et qui voit ce genre de cinéma ?". A cet instant précis, la caméra, qui avait comme sujet la télévision d'une chambre de profil, effectue un mouvement vers la droite pour cadrer un trio d'hommes, immobiles, le regard fixé sur l'écran. La voix continue, alors que la caméra fixe la présentatrice à l'écran : "Comme vous le savez déjà, notre équipe a pu se procurer un de ces enregistrements macabres.". Là, le cadre revient aux deux étudiants, qui regardent soudainement à l'intérieur d'une chambre quand l'animatrice prononce les mots "Les images que vous allez voir...". Plan sur l'intérieur de la chambre avec un mouvement montrant cette fois-ci un trio de femmes, toujours aussi immobiles et ébahis. "... montrent le moment où Vanessa à été sauvagement torturée, humiliée et finalement assassinée". Pendant ces paroles, la caméra montre des gens, bouche bée et visiblement absorbés par ce qu'ils voient et entendent. Le cadre revient sur la présentatrice : "Ce n'est pas facile d'émettre ces images...", et retourne sur les étudiants qui prennent l'ascenseur : "... mais leur intérêt documentaire est incontestable.". Retour sur la présentatrice : "Sans aucun doute, leur violence se suffira à elle-même.". La caméra revient sur les deux jeunes, face caméra, Chema se gratte la tête, les portes se referment, le noir se fait... Retour de la présentatrice : "voici ces images". Puis apparaît un avertissement sur la violence de ce qui va suivre. Fin.


Terriblement bien ficelé, bien rythmé et bien imagé pour que le fond fasse mouche. On peut bien entendu faire un parallèle avec le nouveau cinéma d'horreur qui donne de la bouilli à un public cochonou qui ne semble intéressé que par le gore et le "jusqu'où ira-t-on ?" de productions, dorénavant au premier plan depuis Hostel, qui prend même le nom de "torture flick" ou "snuff-like" et aux titres aussi évocateurs que Snuff 102 ou Torture...
Bavaria
8
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le 18 juil. 2010

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