Un intense sentiment de mélancolie et d'amertume imprégnait La Dernière Séance. En 1984, 30 ans après le désenchantement initial, alors qu'ils s'apprêtent à célébrer le centenaire de la fondation de leur petite bourgade texane d'Anarene, le nihilisme s'est fermement ancré dans les vies des personnages originaux.
La précédente adaptation du romancier Larry Mc Murtry (qui a publié trois livres sur cette ville imaginaire), laissait seulement deviner le contexte économique. Le personnage du vieux cowboy solitaire, pilier moral de la communauté, était le dernier à avoir connu les pionniers - vestige d'un monde rural où tous les habitants avaient une activité directement liée à la terre, dont la disparition se reflétait dans l'abandon du cinéma et des films de cowboys. Désormais, les adultes se calaient devant la télévision, et les jeunes partaient trouver un avenir à la grande ville.
La découverte de pétrole dans le sous-sol de la région a permis un essor inespéré du bled, et le développement de petites exploitations familiales. Texasville décrit pourtant un autre monde en crise, en se focalisant sur un groupe de nouveaux riches dont la situation privilégiée est mise en péril par les fluctuations du tarif du baril de pétrole.
Il paraît qu'il y a de l'humour dans le livre consacré aux frasques vaudevillesques de ces crétins désoeuvrés. Ils se baisent les uns les autres et se blâment pour leur insatisfaction existentielle, white trash stagnant au-dessous de la plus infime prise de conscience qui conduirait d'autres "desperate housewives" vers les sectes et le New Age. On peut aussi supposer qu'ils font preuve de bon sens rural ; une génération de gens du sud profond par qui la contestation des années 60 n'est pas passée.
Ces entrecroisements d'infidélités en milieu clos animaient déjà leurs vies dans le précédent opus. Il y a ici un renversement : l'objet de toutes les convoitises n'est plus une jeune femme, mais un jeune homme, porteur d'une "mystique" évoquée par son équivalent féminin de la génération précédente, Cybill Shepherd. Celle-ci, qui laissait derrière elle les bouseux à la fin de La Dernière Séance, est opportunément revenue au "pays" pour panser ses blessures, et faire miroiter via un voyage en Europe une possible planche de salut spirituelle à toute la famille gravitant autour de son amour de jeunesse, père du jeune Casanova et mâle déclinant joué par Jeff Bridges.
Mais comme la précédente fois, le film restera derrière, accompagnant la carcasse lasse de Jeff dans son morne parcours quotidien, délaissant les personnages les plus attachants de La Dernière Séance, ombres qui ont déjà rejoint les fantômes d'une ville disparue, laissant le terrain libre aux pantins chagrins de la société de consommation. De toute façon, c'était déjà trop tard pour eux il y a trente ans.
Les quelques monologues qui dans le film original permettaient d'accéder ponctuellement à l'"humanité" derrière les façades déplaisantes, n'ont pas ici d'équivalent - ni le texte, ni les acteurs pour le dire. L'image n'est plus dans un beau noir et blanc. Cette suite est plutôt dépourvue de charme.