" De toute façon il y a que ceux qui boivent qui ont une cirrhose "

Cinq ans après l'enlèvement de Michel Houellebecq, Guillaume Nicloux revient avec sa mascotte - et l'équipe de bras cassés qui l'avaient kidnappé - pour un deuxième opus. Le décor a changé pour une thalasso à Cabourg et on compte un nouvel invité de marque : Gérard Depardieu en grande forme. Le duo prometeur - un écrivain gringalet dépressif et un vieil acteur corpulent et sulfureux - nous fait instinctivement penser à un Laurel et Hardy contemporain. Sauf qu'ici c'est leur propre rôle qu'ils jouent.
J'ai beau être un grand admirateur de l'oeuvre littéraire de Houellebecq ainsi que de la carrière de Depardieu, je dois avouer que ce film m'a laissé pantois faute de ne pas savoir tout du long s'il fallait en rire ou en pleurer.

L'idée du film est plutôt simple ; mettre deux énergumènes au milieu d'un système qui ne leur convient pas et les regarder contourner les règles avec plus ou moins d'ingéniosité. Interdiction de cigarettes et d'alcool, massages et soins à la boue, on conçoit vite que c'est n'est pas un lieu pour nos deux protagonistes. Va s'en suivre des rasades de vin en cachette dans leur chambre et des discussions à vau l'eau. On peut davantage considérer les procédés comiques du films comme verbaux, parfois frisant l'intellectuel, que gestuels, mais ils sont malheureusement inégaux au cours du film. Car l'on rigole de leurs réflexions cyniques sur les choses environnantes - les dialogues sur la cryothérapie ou l'installation d'art contemporain sont hilarantes - mais Nicloux de gâcher ces moments en y introduisant des scènes pathétiques aux antipodes du registre prescrit ; est-ce vraiment une bonne idée d'inclure une discussion larmoyante sur la mort dans une comédie ?
De surcroît, il y a toujours un danger à faire jouer à des acteurs leur propre personnage. Et le réalisateur semble pris aux pièges car faire du comique avec des choses qui ne le sont pas ne peut fonctionner qu'au prix d'une caricature exacerbée des personnages. Alors on tombe dans le tragique à l'instar du mysticisme affecté dont les dialogues de Houellebecq sont imprégnés. Il faut toutefois saluer l'idée d'avoir introduit des blagues filées tout au long du film, notamment autour de Sylvester Stallone ce qui donne au film un penchant irréaliste et insensé.

Il faut aller au fait ; Houellebecq n'excelle pas en tant qu'acteur d'autant plus que Depardieu ostracise sa présence. Et c'est d'autant plus prégnant que les autres comédiens du kidnapping viennent s'immiscer dans l'histoire et ajouter un surplus d'âme au film qui en manquait cruellement dans ses prémices. Thalasso fait rire avec parcimonie, et même si ce n'est pas un film désagréable, on assiste tout de même à une décrépitude attristante de deux figures polémiques de la vie artistique française.

Batowski
5
Écrit par

Créée

le 30 août 2019

Critique lue 1.9K fois

4 j'aime

Batowski Jr.

Écrit par

Critique lue 1.9K fois

4

D'autres avis sur Thalasso

Thalasso
Dagrey_Le-feu-follet
8

"J'apprécie de moins en moins le 69, je n'arrive plus à agir et ressentir en même temps*..."

Cinq ans après les faits de l'enlèvement de Michel Houellebecq, l'écrivain se trouve en thalassothérapie sur les cotes normandes. Appréciant peu le régime qui lui est imposé, il retrouve dans...

le 3 sept. 2019

23 j'aime

3

Thalasso
PierreAmoFFsevrageSC
9

Sylvester Stallstoner movie. Bloqués. Purgés au purgatoire. Extrêmités congelées.

(juste une liste de remarques aide-mémoire publiées 06/10/21) _____Très amusant et déstressant. _____Dans le film 'Docteur Apfelglûck', les auteurs nous apprenaient qu'on ne peut pas dire de gros...

le 5 oct. 2021

17 j'aime

20

Thalasso
ffred
9

Critique de Thalasso par ffred

Très curieux de voir ce nouveau film de Guillaume Nicloux, réalisateur à la filmographie inégale mais intéressante, du très mauvais (Le concile de Pierre) au bien meilleur (La religieuse, La clef,...

le 23 août 2019

11 j'aime

7

Du même critique

Thalasso
Batowski
5

" De toute façon il y a que ceux qui boivent qui ont une cirrhose "

Cinq ans après l'enlèvement de Michel Houellebecq, Guillaume Nicloux revient avec sa mascotte - et l'équipe de bras cassés qui l'avaient kidnappé - pour un deuxième opus. Le décor a changé pour une...

le 30 août 2019

4 j'aime

Parasite
Batowski
8

À deux doigts du chef-d'oeuvre

Parasite est un film étonnant qui m'a laissé derrière soi comme un arrière-goût de trésor volé sous les yeux. C'est indéniablement un bon film, mais par les choix scénaristiques qui ont été faits, je...

le 20 août 2019

3 j'aime

La Jetée
Batowski
9

Clair-obscur mémoriel

Quelle claque ! La jetée est une œuvre précurseuse et résolument futuriste dont l'influence ne cessera d'irriguer un grand pan du cinéma de science-fiction dès sa sortie en 1962. Il ne faut pas se...

le 9 oct. 2019

2 j'aime