Loin du fracas du monde et de son agitation, s’intéresser à la frontière qui sépare la vie et la mort pouvait retenir l’attention. Et d’autant plus s’il s’agissait de questionner l’EMI (Expérience de Mort Imminente), cette singulière expérience qui permet, tels Orphée descendant aux Enfers ou Dante guidé par Virgile, de franchir deux fois, donc dans les deux sens, cette frontière d’ordinaire sans retour.
Hélas ! D’entrée de jeu, on sent le traitement frelaté. Ce documentaire français de Pierre Barnérias s’ouvre comme un spot de campagne américaine : musique tonitruante, grands effets de caméra montée sur drone... Les témoignages s’enchaînent, des « vraies » personnes, dont l’identité et l’ancrage géographique sont déclinés par écrit à l’écran. La Terre entière est couverte, comme pour rendre le discours plus probant. S’expriment aussi bien des médecins que de simples particuliers.
Menés et montés tambour battant, les entretiens décrivent tous une même expérience : lumière vive, tunnel, bien-être, légèreté, parfois accueil de personnes connues et déjà disparues, sensation d’un amour immense, qui «rechargerait les batteries » (l’expression revient telle quelle) et permettrait un retour sur Terre, une réintégration dans le corps menacé. La musique est glorieuse, tout le monde sourit, affirmant désormais ne plus craindre la mort, parfois même savoir qu’ « elle n’existe pas ». CQFD.
On ressort dépité. Autant les témoignages, apparemment sincères, auraient mérité un questionnement, des interrogations, éventuellement l’approche par plusieurs disciplines (psychologie, psychanalyse, psychiatrie, neurologie, philosophie, théologie...). Autant l’absence de questionnement, puis la convergence vers un point qui semble clair (dans l’avancée du montage, Jésus est de plus en plus souvent cité, voire Dieu ou même « le souffle de Dieu »...), culminant jusqu’à une déclaration officielle devant le Congrès américain et affirmant une foi en Dieu, dénoncent une absence délibérée de réflexion, pour la bonne et simple raison que la réponse était connue d’avance et qu’il s’agissait là seulement de la démontrer. L’inverse d’une démarche réellement prospective. Un film de propagande, donc, visant - et le titre l’annonçait clairement - à présenter la mort comme un simple « passage », le passage d’une vie à une autre...