Dans les années 1980, Blake Edwards tournait beaucoup de films en relation à sa situation personnelle, y compris 10, tourné en 1979. C'était un homme en proie aux doutes, luttant apparemment contre la dépression, l'alcoolisme, la tentation de voir ailleurs.... Il s'est offert entre guillemets des psychanalyses de luxe sur grand écran, et le plus souvent pour notre plus grand bonheur.
Dans ce film-ci, on retrouve son épouse, Julie Andrews, qui joue une chanteuse en attente d'une biopsie afin de savoir si le mal de gorge dont elle souffre serait due au cancer. Mais malgré ça, elle garde ça pour elle, et doit tenir la maison, en particulier les tourments de son mari, le formidable Jack Lemmon, un hypocondriaque au dernier degré, dont on va fêter son soixantième anniversaire, et qui est profondément malheureux, car il sent que sa vie, pourtant couronnée de succès grâce à son métier d'architecte, lui échappe, et il voit aussi dans cet anniversaire l'annonce, croit-il, d'une mort prochaine...
Sans détours, j'ai trouvé le film absolument formidable, qui est une variation du Jour du vin et des roses (déjà avec Jack Lemmon), dans le sens où c'est un couple qui lutte à sa façon contre ses problèmes personnels, mais dont la vie conjugale est dévorée par les montagnes que le mari se crée, alors qu'il a une santé de fer... mais il pense avoir une première alerte en n'ayant plus d'érections.
Julie Andrews est telle un roc qui tient debout cette famille, et elle est d'une dignité qui ne peut que rendre admiratif ; elle pourrait tout envoyer bouler, car elle doit faire face également à ses enfants qui ont aussi leurs soucis et viennent s'en confier, mais elle est vraiment ce qu'on peut appeler une femme courage, au point de la rendre bouleversante. Quant à Jack Lemmon, génial en hypocondriaque notaire, il apporte la touche de burlesque qu'aime distiller Blake Edwards dans ses films, notamment sa première rencontre avec un prêtre, Robert Loggia, avec qui il se confesse, la visite d'une diseuse de bonne aventure, et une séquence très drôle où il a si peur de faire une crise cardiaque qu'il va faire du pédalo en pleine nuit !
On l'aura compris, That's life est un film très personnel pour Blake Edwards, qui cachait comme chacun d'entre nous de la noirceur sous couvert de comédie, mais c'est presque un film de famille dans le sens où cette production a été quasi-intégralement financée par le réalisateur. De ce fait, la maison où se déroule l'histoire, aux abords de Malibu, est celle du couple Edwards-Andrews, les deux filles sont réellement leurs filles dans la vie, et le garçon, Chris Lemmon, n'est autre que le fils de Jack Lemmon.
Je pense qu'à un moment ou un autre de notre vie, on se reconnait dans les errements du couple Lemmon-Andrews, mais Blake Edwards tourne ça en dérision d'une manière formidable ; comme quoi, il faut savoir faire rire de ses malheurs, pourvu que ce soit fait avec talent.