On imagine aisément les producteurs de Sony venus frapper à la porte du sympathique Marc Webb (ou du moins pas trop intégré à la machine hollywoodienne jusque là), pour lui proposer avec moults billets verts de rebooter la saga Spider-Man. L'histoire ne dit pas combien de temps il a lutté pour ne pas accepter cette offre de blockbuster commandé par Sony uniquement pour conserver les droits sur la licence, mais toujours est-il que le voilà aux commandes. Hollywood ayant cette fâcheuse tendance à corrompre de jeunes réalisateurs prometteurs avec des films de commande sans imagination, voyons comment celui qui n'avait fait jusque là que l'innofensif mais plaisant 500 jours ensemble se sort de cette situation pour le moins fâcheuse.

Car ce n'est pas seulement un reboot qu'il avait sur les bras, il y en tant aujourd'hui qu'il devient difficile de les compter, mais c'est un reboot d'une saga qui avait rencontré un énorme succès et avait commencé il y a à peine dix ans. Difficile également de passer après Sam Raimi, qui malgré une gamelle sur le troisième épisode avait réussi avec brio, comme un certain Tim Burton en son temps, à imposer son univers à une licence pour le moins mythique et venérée par ses fans. N'ayant lu aucun comic sur le super héros en question, j'avais découvert la saga sans pouvoir établir de comparaison, je savais seulement que les lances toiles avaient été remplacés par un système plus organique, et après tout plus logique.

Pour faire bref, j'avais surtout adoré les deux premiers épisodes, qui traitaient intelligement le thème du super héros, jouant beaucoup sur les références aux anciens films d'horreur. Le héros était un monstre, un adolescent en pleine crise d'identité, rejeté par ses pairs, que de problèmes auxquels s'ajoutaient un amour impossible et une lutte contre le père de son meilleur ami. Si pour certains le héros était trop pleurnichard, c'est parce que Sam Raimi, comme il l'avait fait une décennie plus tôt avec son génial Darkman, ne voulait pas s'arrêter au cliché du super héros cool et poseur, vu et revu depuis.

Voilà pour la mise en situation, maintenant que vaut ce reboot ? Annoncé par sa campagne de promotion comme à la fois plus sombre et plus "jeune", plus proche des "origines cachées" du super héros, la première chose qu'on peut constater est bien qu'on s'est gentiment moqué de nous depuis le début. Soyons clair, je vais limiter les comparaisons avec les films de Raimi au strict nécessaire, mais il est impossible de ne pas le faire vu le risque pris par ce reboot d'être aussi proche dans le temps de la trilogie.

Tout d'abord, on en voit plus sur la jeunesse de Peter Parker, abandonné par ses parents, vraisemblablement morts dans un accident de voiture à cause d'une sombre histoire de découverte scientifique majeure. Et là on se dit, au moins ça va pas être décalqué des précédents, il y a de nouvelles pistes à explorer. Sachez que non, pas du tout ! La prochaine fois dont vous entendrez parler de ses "origines cachées" sera dans la scène post générique, dites donc ça commence bien.

Le lycée est assez mal exploité également, je pense que beaucoup (surtout les filles) seront d'accord avec moi pour dire qu'Andrew Garfield n'a pas une gueule de martyr, et pourtant il est rejeté par tous ou presque. Alors oui, il est habillé comme un sac, a toujours un appareil photo et un skate sur lui, et... c'est tout. Avouez que c'est léger.

Les deux gros passages obligés de début de film sont évidemment la morsure d'araignée et la mort de l'oncle Ben (ha ha), et là impossible de ne pas comparer avec le film de 2002.

La visite d'Oscorp, qui aurait pu être un moment très sympathique, est rapidement minée par les incohérences. Notez bien qu'un étudiant se fait virer par trois ou quatre vigiles dès le début parce que Peter a usurpé son identité, ce qui est censé prouver que la sécurité est sacrément efficace.

Après quelques minutes de visite, un employé à la bonne vieille allure de méchant fait malencontreusement tomber un dossier, dévoilant juste ce qu'il faut du même symbole de projet que celui sur lequel travaillait son père ! Un projet pourtant top secret, et bien sûr cela se passe dans la pièce précise où est Parker le jour de sa visite d'un bâtiment d'une centaine d'étages. Je veux bien qu'on fasse avancer l'intrigue, mais un peu d'efforts que diable.

Surtout que ça continue, avec un système de déverrouillage de porte futuriste mais totalement naze : agitez les doigts dans deux ou trois directions et c'est plié. Une fois dans le labo top secret, plus aucune sécurité, personne ne le voit, pas d'alarme pour entrer dans la salle des araignées, et c'est la piqûre bête.

Et l'une des pires incohérences du film a lieu suite à cet évènement, lorsque Peter recherche ce qu'il risque avec cette piqûre sur internet : il utilise Bing comme moteur de recherche. Personne n'utilise Bing comme moteur de recherche, surtout pas un super héros (ou alors, comme me l'a fait remarquer une personne pleine d'esprit, le film se déroule dans une dystopie où Google n'a jamais existé).

Passons à la mort de l'oncle, qui chez Raimi était une était bouleversante et avait un profond impact sur Peter Parker, ici le tout est plié en deux minutes sans la moindre émotion, tante May est triste, Peter boude un peu, et on passe à la suite. Soit.

Vous vous doutez bien que je ne vais pas passer toutes les scènes du film en revue, mais il est dommage de ne pas s'être démarqué autrement que par les lance toiles dans toute la première heure du film ou presque. Pour ce qui suit, les reproches sont différents car il n'y a plus lieu de comparer avec les précédents films, les défauts sont inhérents à l'écriture du reboot. Pour moi, le plus gros défaut et que malgré la durée du film (presque 2h20), rien n'est correctement développé.

Les personnages sont esquissés, les dialogues n'apprennent pas grand chose, et la plupart des situations sont expédiées. Par exemple, le Lézard aurait pu être un personnage très intéressant, mais on passe en gros d'une expérience ratée à un lézard mutant très méchant sans vraie transition, envolée la profondeur espérée. Et en plus, le design est totalement raté, difficile de faire moins charismatique.

L'humour fait parfois mouche avec de bonnes répliques, mais on ne peut que regretter de devoir supporter à côté des scènes comme le basket qui n'apportent absolument rien et ne sont plus affligeantes que drôles. Et en fait c'est un peu ça dans tous les domaines, du bon et du beaucoup moins bon, trop de raccourcis, trop de précipitation, et paradoxalement trop de longues scènes inutiles. Peter qui fait du skate sur les quais avec une réalisation clippesque, tante May qui lui demande s'il veut des boulettes de viande, Peter qui fracasse un poteau de foot américain, le film est bourré de passages qui ne fonctionnent pas dans le film et qui pourtant ont été gardés, alors qu'à côté il semble manquer des scènes ailleurs.

Et les scènes d'action alors ? On va voir un film de super héros pour rêver aussi, après tout. Encore une fois, il y a du bon et du mauvais. Le Spider-Man de ce film se bat de façon plus réaliste, et certaines scènes sont agréables à regarder même si la mise en scène ne suit pas toujours. Mais on a des scènes comme les fameuses grues à la fin, à la fois incohérentes et juste stupides, le genre de choses qui me sortent directement du film. Il faut dire qu'à ce niveau, la musique n'aide pas, il faut croire que James Horner n'est plus bon qu'à se recycler à l'infini en s'adaptant tout juste au film. Aucun souffle épique, aucune thème mémorable comme pouvait l'être le principal de Danny Elfman.

Si ce que j'ai dit jusque là peut sembler très dur, je tiens tout de même à préciser que le film est loin d'être une immonde purge, les 2h20 passent assez rapidement, et dans l'ensemble les personnages sont assez plaisants pour avoir un minimum d'empathie. Le problème reste que sur un tel film, avoir des faiblesses à quasiment tous les niveaux, ça ne pardonne pas. On se retrouve avec un film moyen partout, qui ne parvient jamais à vraiment décoller, à avoir un certain souffle épique, du coup c'est agréablement divertissant mais ça s'oublie en sortant de la salle. Allez, plus qu'une dizaine de jours pour avoir un film de super héros un peu plus ambitieux et maîtrisé cet été.

blazcowicz

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9

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