Alors que Sam Raimi tourne Spider-Man 3 en se pliant aux directives de ses donneurs d'ordres, Laura Ziskin et Avi Arad, la Columbia mène dans la coulisse un drôle de jeu : elle commande en effet à James Vanderbilt un nouveau scénario pour Tête de Toile. Non pas pour un quatrième épisode, mais un reboot. Carrément. Alors même que la franchise Spider-Man n'a pas cinq ans d'âge.
Et alors même que, malgré le succès mesuré, Sam Raimi compte plancher sur la suite de «son» bébé afin d'effacer la déconvenue et partir sur ce qu'il veut hisser comme, rien de moins, le meilleur opus consacré au Tisseur.
Sauf que la rédaction de ce scénario «officiel» n'avance pas. Columbia désire y voir apparaître le Lézard, tandis que Raimi souhaite que Ben Kingsley s'envole dans le rôle du Vautour. Raimi bosse à quatre mains... Avec James Vanderbilt, mais ne trouve jamais l'idée juste, celle en laquelle il croit pour en terminer en beauté avec son histoire d'amour pour Spider-Man.
Et si le réalisateur renonce finalement, on ne peut que rester songeur. Ses explications vont dans le sens d'un mauvais feeling, du dépassement d'une deadline qui ne l'aura pas vu accoucher d'un scénario répondant à ses attentes qualitatives. Il plaide pour une séparation à l'amiable, la moins difficile du monde selon la version officielle.
Il sera aussi permis de rester sceptique devant cette dernière, Sam Raimi admettant que l'entreprise de reboot de son personnage fétiche était de toute façon prévue de longue date.
Car en commandant un scénario en plein tournage de Spider-Man 3, on sent bien qu'un enfant dans le dos du trublion est en gestation, pour le moins. Dans quelles conditions a-t-il découvert le pot-aux-roses ? La Columbia l'a-t-elle tout simplement mis devant le fait accompli ?
A moins que le studio voulait s'assurer de ne pas perdre les droits de l'Homme-Araignée au profit de Marvel et se prémunir en cas de défection de son poulain ?
Nous ne le saurons sans doute jamais. En tout cas, le pas de côté de Sam Raimi, vendu de son seul fait - et en disant merci - laisse la place de réalisateur libre, pour promouvoir Marc Webb, tout heureux de pouvoir muscler son jeu au contact d'un blockbuster, après le très émouvant (500) Jours Ensemble.
Sauf que Marc Webb n'évalue sans doute pas exactement dans quoi il s'embarque. Car The Amazing Spider-Man est affligé pour toujours d'un défaut rédhibitoire : passer après la trilogie de Sam Raimi, et ce après lui avoir irrémédiablement coupé l'herbe sous le pied. Tout en décalquant la structure globale du premier opus.
Sauf que Andrew Garfield, on a peine à croire au fait qu'il ne soit pas le plus cool du lycée, avec sa gueule d'ange. Qu'il soit un outcast light en butte aux persécutions de Flash Thompson. Et plus simplement, Andrew Garfield ne saura jamais Tobey Maguire, qui avait réussi l'exploit de l'attachement immédiat à son personnage maladroit et sensible.
Sauf que Tante May et Oncle Ben, ce seront pour toujours Rosemary Harris et Cliff Robertson, incarnations immortelles des deux piliers de la vie de Peter Parker et de sa boussole morale.
The Amazing Spider-Man part donc forcément perdant, parce que la comparaison, fatalement, tournera toujours à l'avantage du Spider-Man tel que porté à l'écran par Sam Raimi, trésor d'équilibre des enjeux de la vie de Peter.
The Amazing Spider-Man, de plus, ne renouera jamais avec l'émerveillement enfantin de la découverte des pouvoirs qui chamboulent la vie quotidienne, avec la candeur et l'innocence de son héros et de l'ambiance des comics des années soixante-dix magnifiées par l'absence totale de cynisme de la caméra de Sam Raimi.
Une telle entreprise relevait donc, dès le départ, de la Mission : Impossible.
Le spectateur devra donc clairement fournir un gros effort d'abstraction afin de considérer The Amazing Spider-Man, de le détacher totalement d'un héritage adulé, de l'envisager comme un film autonome. Comme il parvient à se détacher du long run d'un auteur adulé, pour se plonger dans sa série fétiche confiée à un duo artistique qui a tout à prouver.
D'autant plus que Columbia demande à Marc Webb de raconter peu ou proue la même chose que Sam Raimi, dans une genèse du héros à peine retouchée. Mais en minorant la relation entre Peter, sa tante et son oncle. Bye bye donc l'affection du public pour May et le coup au coeur lors de la disparition injuste de Ben.
Pour mieux soulever un coin du voile de la disparition des parents de Peter et rattacher le tout à une intrigue scientifique classique mais qui inclut plutôt bien les éléments classiques la mythologie Spider-Man au cinéma et les quelques nouveaux venus, tels que Capitaine Stacy, symbolisant la perception ambivalente de l'irruption d'un vigilante en ville.
Et tandis que Emma Stone assure l'atout charme de ce reboot, c'est au Lézard, conformément aux désirs du duo Ziskin / Arad, qu'incombe la partie action / spectacle de l'ensemble. Plutôt bien représenté à l'écran, envisagé comme un reflet de Norman Osborn, il anime une scène de démolition du collège de Peter plutôt bien troussée, à défaut de se montrer révolutionnaire ou, au moins, originale. A l'image de la réalisation de Marc Webb, purement fonctionnelle et sans grand relief.
Au demeurant, The Amazing Spider-Man se montre plutôt plaisant à suivre, mais jamais à la hauteur de son héritage, des visages et des images gravées dans le marbre de l'univers du Monte-en-l'Air au cinéma. Clairement pensé en forme de version 2.0 un poil plus sombre, The Amazing Spider-Man présente tout simplement un autre héros en costume d'araignée, important au cinéma une autre des pratiques comics : raconter les mêmes choses de manière cyclique, sous un angle différent, avec une nouvelle équipe, pour essayer de correspondre à un nouveau public.
Behind_the_Mask, qui tisse contre le vent.