La Cinematek royale de Belgique, dont il convient de louer l’éclectisme de la programmation, projetait une petite pépite, une curiosité. Les acteurs Jennifer Jason Leigh (vue chez Noah Baumbach et Tarantino) et Alan Cumming (vu dans la géniale série ‘The Good Wife’) sont passés derrière la caméra en 2001. Le résultat est étonnant, intriguant mais pas totalement abouti.
Sally (Jennifer Jason Leigh), une actrice, et Joe (Alan Cumming), un écrivain, décident de fêter avec leurs amis leur sixième anniversaire de mariage. La soirée se déroule dans leur superbe demeure hollywoodienne et se présente sous les meilleurs auspices.
Le cinéma et plus largement le milieu du showbiz aime se filmer, se raconter entre auto-dérision et narcissisme. Un peu comme dans ‘Lumière’, l’une des trois réalisations de l’actrice Jeanne Moreau. Et il y a quelque chose qui plaît au spectateur dans cette démarche, en raison d’un attrait pour le milieu bien que le spectateur n’en fasse pas partie. Et puis, il y a toujours la curiosité de découvrir la première réalisation d’acteurs qu’on adore.
Le résultat surprend dans ces deux premiers tiers. Car les deux font un choix de mise-en-scène original et assez bien vu. Filmer cette soirée et ce milieu dont le spectateur est étranger avec une sorte de caméra-vérité. Comme si un des invités de la fête filmait la soirée. Un peu comme dans ‘Maris et Femmes’ de Woody Allen. Il y a du Cassavetes dans cette entreprise avec cette façon de filmer les personnages en gros plans, dans leur intimité un peu comme dans ‘Faces’. Et puis bien sûr, le fait de réaliser un film avec ses amis dans une grande maison qui rappelle les grands Cassavetes comme ‘Une femme sous influence’.
Ce qui appréciable, c’est qu’on retrouve ce milieu intellectuel et snob, qu’on a tant aimé chez Woody Allen. Le film ne se passe pas à New-York mais à Beverly Hills. Et on y croise, un auteur à succès qui va passer derrière la caméra, une actrice, une photographe (dont les photos sont d’ailleurs très belles), un réalisateur, un violoniste. C’est assez amusant de croiser tout ce beau monde même si on a parfois l’impression de déranger comme à ces soirées très mondaines, dans lesquels on se demande ce qu’on y fait.
Le casting est lui-même très chic. On y croise pêle-mêle John C. Reilly, Gwyneth Paltrow (très bonne) ou la Jennifer Beals de ‘Flashdance’. On s’amuse à reconnaître des acteurs qu’on a vu ailleurs comme Parker Posey et John Benjamin Hickey, tous les deux au casting de ‘The Good Wife’. Et puis, il y a Alan Cumming toujours excellent pour jouer les excentriques egocentriques. Mais surtout, il y a Jennifer Jason Leigh qui est absolument bluffante dont l’interprétation à fleur de peau et le personnage toujours borderline rappellent Gena Rowland. Elle a la capacité d’exprimer le mal-être de son personnage le plus profond de manière très enfantine.
Malheureusement, et après ses deux premiers tiers assez drôles, le film atteint dans son dernier tiers une violence assez pénible. Toujours dans cette volonté de faire du cinéma vérité ou authentique, le film finit par ce complaire dans l’amertume de ses personnages notamment dans une scène de confrontation entre lui et elle, excessivement à charge contre la femme. C’est dommage, car on sent que Jennifer Jason Leigh veut aborder des thèmes qui lui sont chers comme sa carrière d’actrice déclinante. Ajoutons un coup de force scénaristique dramatique un peu téléphoné qui vient mettre un terme à l’insouciance des deux premiers tiers.
Le coup d’essai des acteurs Alan Cumming et Jennifer Jason Leigh est en demi-teinte. L’histoire du cinéma ne retiendra sans doute pas ce film mais c’est indiscutablement une curiosité. Car c’est d’avantage l’histoire autour du film et sa fabrication qui intéresse, plutôt que le film en lui-même. Dommage.