The Apprentice
6.8
The Apprentice

Film de Ali Abbasi (2024)

La sortie de The Apprentice, à un mois de la présidentielle américaine, ne doit évidemment rien au hasard : ce biopic consacré aux années de formation de Donald Trump vient apporter sa pierre à l’édifice d’une communication déjà saturée, et tenter, comme si c’était encore possible, de révéler la face sombre du candidat pour une deuxième mandat à la Maison à la Blanche.


Le cinéaste Ali Abassi a beau changer de registre à chaque film, ce nouvel opus poursuit son obsession pour les monstres : fantastiques dans Shelley et Border, pervers dans Les Nuits de Mashhad, en voici donc le versant politique et financier, émanation directe d’un monde capitaliste se gargarisant d’être la première puissance mondiale. Abassi embrasse pleinement toute la codification du biopic, non sans un certain académisme, pour restituer le New York des 70’s et donner à voir le terreau des affaires immobilières dans une ville encore gangrenée par la misère et l’insécurité.


Comme le titre l’indique, le récit est avant tout initiatique, et décrit la relation entre Trump et Roy Cohn, un avocat charismatique aux méthodes douteuses qui va former le futur magnat. C’est l’intérêt du film – un duo de comédiens assez imparables, et une ascension fulgurante restituée avec vigueur - mais c’est aussi sa limite, l’écriture se bornant souvent à une sorte de manuel expliquant d’où proviennent les traits de caractère d’un homme que la planète a désormais le malheur de connaître.


Abassi, dans l’ombre d’un Scorsese, voudrait se brancher à ces années de faste et la fièvre des affaires, alternant entre coups tordus, procédures judiciaires et jouissance immédiate sous les flots de dollars. Cette alliance entre l’abondance et le dégoût, la réussite et le pourrissement moral génère une imagerie assez maîtrisée, mais qui semble toujours pasticher ce qui a pu être déjà (mieux) fait auparavant, jusqu’à une certaine gratuité dans l’expérience visuelle. Passer à l’image vidéo pour les années 80 déshumanise certes encore davantage les figures et contribue à enlaidir davantage l’empire en pleine expansion, mais ressemble surtout à une coquetterie que n’aurait pas reniée le protagoniste. Abassi, toujours à l’aise lorsqu’il s’agit de filmer l’excès, ne se refusera aucune séquence, et vire, comme pour Les Nuits de Mashhad, à une certaine complaisance, notamment dans la reconstitution d’un viol conjugal qui fera forcément beaucoup parler.


Alors que le Trump du réel poursuit ses frasques et enchaîne les coups d’éclat, la proposition presque scolaire d’un décryptage de ses origines paraît bien anodine. Trump a ceci de fascinant – et d’effrayant – qu’il ne comporte pas réellement de face cachée, tout étant systématiquement brandi, assumé et beuglé au vaste monde. La fiction, pour parvenir à circonscrire ce monstre aurait peut-être dû faire preuve de bien plus d’audace, celle dont ne manque pas ce fondateur de l’ère post-vérité.

Créée

il y a 4 jours

Critique lue 600 fois

20 j'aime

3 commentaires

Sergent_Pepper

Écrit par

Critique lue 600 fois

20
3

D'autres avis sur The Apprentice

The Apprentice
Plume231
6

Trump Begins!

Bon, je ne vous cache que c'est très délicat de parler d'un film, dont l'actualité est plus que bouillonnante, sur un sujet qui l'est encore plus, déchainant bien les passions, opposant deux camps...

il y a 3 jours

19 j'aime

6

The Apprentice
Aude_L
7

Faux poulain, vrai requin.

Si vous avez quelques accointances trumpistes, fuyez. The Apprentice est assez engagé contre le Monsieur à la perruque étrange, et n'y va pas avec le dos de la cuillère. On pensait naïvement que...

le 28 mai 2024

6 j'aime

The Apprentice
YasujiroRilke
4

Critique de The Apprentice par Yasujirô Rilke

La fascination d'Abassi pour les monstres (depuis Border et jusqu'aux Nuits de Mashaad) se poursuit avec ce portrait de la jeunesse de Trump. Au point où la fascination/répulsion flirte parfois avec...

le 26 mai 2024

4 j'aime

Du même critique

Lucy
Sergent_Pepper
1

Les arcanes du blockbuster, chapitre 12.

Cantine d’EuropaCorp, dans la file le long du buffet à volonté. Et donc, il prend sa bagnole, se venge et les descend tous. - D’accord, Luc. Je lance la production. On a de toute façon l’accord...

le 6 déc. 2014

771 j'aime

105

Once Upon a Time... in Hollywood
Sergent_Pepper
9

To leave and try in L.A.

Il y a là un savoureux paradoxe : le film le plus attendu de l’année, pierre angulaire de la production 2019 et climax du dernier Festival de Cannes, est un chant nostalgique d’une singulière...

le 14 août 2019

713 j'aime

54

Her
Sergent_Pepper
8

Vestiges de l’amour

La lumière qui baigne la majorité des plans de Her est rassurante. Les intérieurs sont clairs, les dégagements spacieux. Les écrans vastes et discrets, intégrés dans un mobilier pastel. Plus de...

le 30 mars 2014

616 j'aime

53