Jean Dujardin est très bon. La réalisation de Michel Hazanavicius est référentielle et astucieuse. Le duo nous a déjà prouvé son efficacité par le passé et cette nouvelle collaboration ne fait que confirmer l'alchimie qui opère entre eux, pourvu que ça dure. Le scénario mêlant méta-film, hommage au muet et réflexion sur le bouleversement artistique tient la route et offre de très bons moments. Le chien est drôle. Les caméos américains font plaisir. La photo est agréable et bien utilisée par la mise en scène.
"The Artist" a des qualités, j'irai même jusqu'à dire que "The Artist" est un bon film. Cependant il a le défaut de sa qualité principale : ce n'est "qu'un" film muet de plus. Ce film tant célébré de part le monde l'est sans doute plus pour l'audace de faire du 4/3 noir et blanc muet à l'époque de l'Imax 4K 3D son 7.1 numérique que pour son contenu. Un contenu bon mais pas non plus extraordinaire ni vraiment novateur. C'est un hommage documenté et réussi avant tout. Que ce soit dans les thématiques ou dans le traitement le film d'Hazanavicius n'apporte pas grand chose de plus que de nombreux films tournés il y a plus de 60 ans, "Boulevard du Crépuscule" en tête. En effet toute personne ayant vu un minimum de classiques ou simplement un certain nombre de films en Noir et Blanc se retrouvera en terrain connu. "The Artist" est tellement référentiel qu'il est parfois un élève un peu trop appliqué, oubliant qu'avec 60 ans d'évolution on pourrait attendre quelques entorses supplémentaires, ou alors un jeu avec les codes plus innovant, plus moderne.
Peu importe peut-être puisque le bébé d'Hazanavicius fonctionne, et il fonctionne même bien. C'est aussi peut-être dans cette vertue pédagogique que le film à un intérêt : en actualisant le cinéma muet avec une tête populaire pour servir d'introduction à un public trop jeune, ou trop formaté par les canons actuels, pour un Cinéma qu'on ne voit plus, ni dans les salles, ni à la télé et de moins en moins en vidéo (les catalogues des éditeurs se focalisant de plus en plus sur les nouveautés en passant d'un nouveau format à un autre). Certains y verront plutôt de la démagogie mais, comme souvent, le film d'Hazanavicius transpire le respect du matériau originel, il serait injuste de le considérer démagogique ou même faux-jetons. Les emprunts sont nombreux et vont de la citation directe (la reprise du scénario de "Chantons sous la pluie") aux clins d'oeil plus discrets (une séquence dans les escalier du Bradbury Building rappelant "M le Maudit") mais ils servent le film sans l'étouffer.
Révélation pour les uns, catalyseur à souvenir pour les autres The Artist réussi, quoi qu'il arrive, son pari. Un pari osé, un tel succès (critique, commercial, publique, académique) n'étais pas gagné d'avance. En mettant tout ceci de côté il reste un bon film, peut-être un peu plombé par un milieu de métrage un poil trop long, qui offre à Jean Dujardin un rôle taillé sur mesure, pour lui qui aime tant user de son faciès pour faire rire il le déforme aussi pour nous émouvoir. "The Artist" titre prétentieux pour un réalisateur en mal de reconnaissance qui cherche à prouver qu'il sait faire autre chose que des comédies ? Peut-être mais en attendant l'essai est transformé. Drôle, sincère, touchant, intélligent. Des qualités qu'on aurait tort de bouder tant peu de films arrivent encore à les réunir de la sorte.
Et puis, tout à fait entre nous, les comédies aussi réussies que "OSS 117" je n'en connais pas beaucoup ces derniers temps. Hazanavicius n'a pas attendu "The Artist" pour être un bon réalisateur. La réussite du film n'est tout simplement pas due au hasard.