Une salle de cinéma, c'est incroyablement bruyant...

Deuxième séance, nouvelles impressions :

Plutôt que d'attendre une sortie DVD pour me revoir "The Artist" dans de bonnes conditions, je me suis offert une séance matinale dépourvue de spectateurs décérébrés rigolards et hurlatoires. (Pour comprendre le titre, merci de lire l'ancienne critique plus bas)

L'impact de "The Artist" est alors bien différent. Bérénice Bejo ne m'agace plus. Elle est lumineuse, pleine de vie et de mimiques craquantes, diva pleine de complexes, amoureuse retenue d'un déchu, pétillante et bouleversée. Jean Dujardin est toujours aussi bluffant, passant du jubilatoire acteur muet à la ruine humaine en plein purgatoire virant à l'enfer du cinéma parlant. Il incarne surtout cette génération d'acteurs "Show total" à eux seuls typiques d'une époque qui a perduré jusque dans les années cinquante.

Quant au chien ma foi... Huge canine star.

Parce que j'avais déjà vu le film et que par conséquent le scénario m'était familier, j'ai pu me concentrer sur les détails, les clins d'œils, on peut quasiment parler d'easter eggs (et pourtant mon inculture cinématographique est crasse). A se concentrer sur tout ce qui entoure l'essentiel, on ne peut que ressentir l'amour sincère de Hazanavicius pour cet âge doré du cinéma hollywoodlandien...

Toutes les scènes s'enchainent comme des tableaux rendant tantôt hommage à l'aventure, au drame, aux sentiments exacerbés, tantôt à la comédie, au music hall, au burlesque, strass et paillettes... Coup de cœur confirmé pour la scène de danse où seules les (magnifiques) jambes de Bérénice Bejo se dévoilent, Dujardin répliquant du Tac-O-Tac à ses pas, sans se départir de son sourire vissé au visage...

Décidément un très beau film, ses imperfections formelles le rendant presque plus attachant. Il me donne en tout cas une furieuse envie d'aller chiner quelques films muets, le genre ayant un charme, une poésie que le parlant à depuis longtemps égaré...

Allez, soyons audacieux, le huit sur dix est bien mérité !

==================== Ancienne Critique ====================

C'est en allant voir ce genre de film jouant des codes du cinéma muet qu'on réalise pourquoi les salles de cinéma nous massacrent les oreilles à pousser à ce point à fond les enceintes. Une salle de cinéma diffusant un film muet, c'est extrêmement bruyant. Entre les toux, les bruissements de rires, les téléphones accusant réception de SMS, le rire tranchant nasillard d'une spectatrice juste derrière que j'ai secrètement rêvé de réduire en charpie à coups de barre de fer rouillée, le pop corn craquant et un magistral et sonore "Éteins ton téléphone connard" en plein milieu de séance... Le peuple des salles obscures ne sait pas modérer ses décibels, ce qui limite considérablement l'immersion.

Passons. Place au film. Je n'y connais rien en cinéma muet. C'est simple, à part les Chaplin et Nosferatu, il ne me semble pas en avoir vu. "The Artist" était donc pour moi moins un hommage à un genre révolu qu'une expérience visuelle ET sonore, Hazanavicius jonglant des codes, les détournant sans vergogne pour servir sa narration.

"The Artist" est un bon film. Pas parce que c'est un film muet et qu'il faut être couillu pour monter un projet pareil, pas parce que Cannes à fortement suggéré d'aller le voir. "The Artist" est un bon film parce que l'histoire est belle, tout simplement.

Jean Dujardin est épatant dans son rôle d'acteur muet fauché par l'arrivée du cinéma parlant, dégringolant de son piédestal tandis qu'une jeune figurante, Bérénice Bejo que j'ai personnellement trouvé exagérée dans son jeu mais le thème s'y prêtait, gravit une à une les marches d'Hollywood pour atteindre le statut d'étoile.

L'histoire est belle oui, touchante, classique, très certainement pompée de tous les classiques possibles, même moi j'ai vu des références forcenées à d'illustres aînés... Mais bon, encore une fois depuis les dramaturges des théâtres grecs antiques, on n'invente plus rien, on recycle avec plus ou moins de brio.

Il faut adresser un grand coup de chapeau au compositeur qui, s'il manque peut être d'un brin de génie, a abattu un travail considérable de mise en scène musicale. Chaque note, chaque mouvement accompagne les émotions, les mimiques et atermoiements des personnages. Il ne fallait pas avoir froid aux yeux pour se lancer dans la résurrection d'une technique de composition égarée depuis l'émergence du parlant.

Je ne peux cependant aller au delà d'un sept. Un bon sept, un sept franc, solide, qui ne demande qu'à croitre et aller titiller les frondaisons d'un huit. Les conditions de visionnages étaient vraiment tout sauf optimales... Aurais-je, affublé d'un meilleur public réussi à m'immerger dans l'histoire plutôt que de m'imaginer trucider avec enthousiasme ma rigolarde d'un soir qui m'explosait les tympans (alors que ce n'est qu'un film comique qu'à la marge) ? Pas certain, il me faudra le revoir...

A noter qu'il manque une catégorie à Cannes. La palme d'interprétation Canine.

EDIT : @Torpenn à la rescousse, la "Palm Dog" existe et a été décernée à l'irrésistible cabot.
Hypérion
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le 21 oct. 2011

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