The Artist était vraiment un concept intéressant : tourner un film muet de nos jours avec plus d'un siècle d'histoire du cinéma dans les pattes.
On dit souvent que les contraintes exacerbent la créativité, mais ici elles en excusent seulement son absence. La forme est soignée, tellement soignée, que le fond a du paraître accessoire... Malheureusement.
Un des grands intérêts du film muet est la bande son. Personnellement, je les ai toujours vus sur grand écran avec des orchestres ou pianistes solos les accompagnant en live (sauf, bien entendu, "Film", de Samuel Beckett, qui se regarde dans le silence.), alors évidemment, The Artist, à mes yeux, partait avec un léger handicap... Que j'étais prête à surmonter tant j'étais emballée par la bande-annonce.
La narration par la musique dans le muet est cruciale puisqu'elle remplace les intonations et magnifie le charme suranné des dialogues dont on ne connaît pas les mots exacts. Plus que jamais, c'est elle qui crée une ambiance, reflètent une émotion. Ici, elle n'est que remplissage, et d'un point de vue son, l'unique moment pertinent du film est lorsqu'il redevient parlant alors que le personnage principal, lui, reste muet, déconnecté du monde auquel il a toujours appartenu.
L'histoire quant à elle est assez simple. Une bluette (George Valentin, acteur à succès, fait la rencontre de Peppy Miller, une actrice aspirante particulièrement pétillante ) boostée par quelques clins d'œil cinématographiques comme cette scène d'introduction qui n'est pas sans rappeler Singing in the rain, et où, lors d'une première, l'acteur principal d'un film à succès cabotine sur scène en empêchant sa partenaire de s'exprimer.
La figurante montante "pygmalionnée" par celui-ci peut également rappeler Kathy Selden dans ce film qui parle également du difficile passage du muet au parlant.
D'autres parallèles avec l'histoire du cinéma m'ont marquée, notamment cette histoire de chair fraîche : "nouveau cinéma, nouvelles têtes", qui a coûté sa carrière à, par exemple, la merveilleuse Louise Brooks.
Également, cette descente aux enfers d'un acteur adulé, puis abandonné par son public qui m'a étrangement rappelé "Une étoile est née" avec Judy Garland. Dans The Artist, d'ailleurs, la question du suicide est également abordée... avant d'être aussitôt balayée par quelques gags et des claquettes.
C'est peut-être là où se situe le majeur problème de ce film. Tout est résolu de façon si simple et grotesque qu'on ne ressent aucun intérêt pour l'intrigue.
Malgré tout, je retiens cette silhouette dégingandée, cette mâchoire volontaire, et cette bouche à la Jagger ornée de ces deux petites rides qu'ont les filles qui sourient beaucoup. L'interprétation de Jean Dujardin m'a faite bailler, mais celle de Bérénice Béjo m'a conquise. C'est sûr, cette belle gueule, je vais la suivre.