Plongée dans le cinéma de nos grands-parents... et au-delà
Nouvelle vision du dernier film de Michel Hazanavicius, plébiscité par les critiques, récompensé aux Oscars et à Cannes, et ayant connu un large succès public. S'il est vrai que le battage médiatique a largement servi The Artist, il faut toutefois reconnaître les très bonnes qualités de cette oeuvre, rendant magnifiquement hommage au cinéma d'antan.
Passé le générique évidemment digne de ceux des débuts du cinéma, l'oeuvre débute par un film dans le film. On y voit le personnage de Dujardin, torturé, mais signifiant à ses bourreaux qu'il ne parlera pas. Le ton est d'emblée donné. On y découvre un acteur dans toute sa gloire, au sommet. Il est aimé de tous les fans, les femmes lui courent après, son producteur mise sur lui, il a une femme aimante et un peu jalouse et de plus, vit dans une superbe maison. L'oeuvre ne se contente pas de rendre hommage aux films muets, puisque l'on peut également découvrir des séquences inspirées par des films parlants des années 40 et 50, comme par exemple, au début, Chantons sous la pluie.
Toutefois, la chute pour notre héros est proche. Le cinéma parlant frappe aux portes et les producteurs y voient en lui l'avenir. Valentin n'y voit que du bruit comme le démontre remarquablement bien la séquence du cauchemar, où la chute d'une plume s'apparente à une explosion. La suite est évidemment cette lente descente aux enfers que vit l'acteur. Il fait pour se raccrocher à ce qui a fait son succès. Malheureusement pour lui, en dépit d'être une vedette remarquable, la chute continue. A ce titre, le chemin inverse fait par l'actrice Peppy Miller est résumé parfaitement par la séquence de l'escalier. L'un descend, l'autre monte. Ils se croisent se parlent, mais les chemins et les destinées sont définitivement différentes.
S'ensuit le krach boursier de 1929 qui finit par ruiner Valentin. Son orgueil en prend évidemment un coup et il est impossible pour notre héros d'accepter l'aide de Miller sur le début. A ce titre, certaines séquences rappellent fortement Citizen Kane et le personnage joué par Orson Welles.
La réalisation est avant tout un grand hommage à d'autres films dont Hanavicius s'inspire fortement. A défaut d'être un créateur, il est doué pour prendre une face de caméléon et créer malgré tout de la personnalité à ses films. Il est évidemment bien aidé par ses trois acteurs principaux que sont Dujardin, Béjo et le chien Uggy, ce dernier étant une véritable révélation et dont la complicité à l'écran est parfaite avec un Dujardin qui sait se montrer... cabotin.
A la nouvelle vision du film, je reste malgré tout assez ému par cette descente aux enfers de cet acteur, faisant évidemment écho à ce que bon nombres de comédiens du muet ont connu à l'époque. Et il est évident que le schéma, assez classique, de la gloire, chute aux enfers et rédemption fonctionne finalement bien. L'oeuvre se clôture sur un peu de son et on entend Valentin parler pour la première fois, mais hors-prise du nouveau film qu'il tourne. Il s'agit évidemment pour lui de l'acceptation du cinéma parlant et d'avoir pu y trouver sa place tout en conservant ce qui lui a permis d'être un comédien à succès sur l'époque du muet. Notre héros continuant à faire des grimaces et des claquettes, nous ramenant là aussi, à un genre de cinéma d'époque.
Le seul petit défaut de l'oeuvre reste à mon sens les cinq minutes avant cette dernière séquence qui nous montre un Valentin proche du suicide et sauvé in extremis par l'accident de Miller. Toutefois, je trouve cette séquence assez maladroite et finalement un peu de trop dans la quête de rédemption de notre héros. Ce dernier montre pourtant qu'il ne comptait pas tirer. On peut évidemment aussi reprocher au film de manquer d'originalité si on regarde le fait qu'il ne fait que s'inspirer énormément de ce qui a été fait avant. Toutefois, dans nos productions actuelles, il demeure justement original et a permis à un plus large public, pas forcément cinéphile, de goûter un petit peu à ce qui se faisait avant. Et il semblerait que ce soit avec succès.