De quoi nous clouer le bec !
Un film muet en noir et blanc avec l’équipe d’OSS 177 : Le Caire, nid d’espions à la barre ? À savoir le réalisateur Michel Hazanavicius et le couple Jean Dujardin / Bérénice Bejo en tête d’affiche ? Autant le dire de suite : dès l’annonce du projet, on s’attendait tous à voir une parodie des vieux long-métrages des années 20. Voire un pastiche, reprenant les plus gros succès de l’époque qu’étaient les films de Charlie Chaplin, Mel Brooks et consorts. Jusqu’à ce qu’arrivent ses diverses consécrations. À Cannes et aux Oscars, notamment. Dès lors, le doute n’était permis : The Artist fait partie de ces films qui doivent être vus au moins une fois dans sa vie. Ce dernier se présentant alors sur le papier comme un chef-d’œuvre du 7ème art. Verdict !
Hollywood, 1927. George Valentin (Jean Dujardin) est la vedette du moment. Celle à qui tout sourit, le cinéma muet faisant l’intégralité de son succès. Mais l’arrivée du cinéma parlant, ainsi que la montée en flèche de la jeune comédienne Peppy Miller (Bérénice Bejo), va bouleverser la carrière et la vie de l’acteur. Au point que celui-ci va sombrer dans la déchéance la plus totale, voulant à tout prix, par orgueil et vanité, retrouver sa célébrité d’antan. Même si cela doit nuire à l’histoire d’amour naissante qu’il entretient avec Miller.
Ne perdons pas de temps à passer par quatre chemins : The Artist est loin d’être la parodie à laquelle nous pouvions nous attendre. Il n’est pas non plus un énième film qui abuse de références à outrance comme il aurait pu le faire. Non, le long-métrage de Michel Hazanavicius est un bijou à part entière, qui puise son charme dans son statut d’hommage au cinéma muet. Qui use de l’Histoire du cinéma pour bâtir tout son scénario (celle du passage du muet au parlant). Et qui veut montrer que le cinéma est universel (que nous n’avons pas besoin de mots pour être compris, que tout se joue avec l’image). Tout en mettant en avant des personnages écrits à la perfection (sans qu’ils aient besoin de répliques à balancer).
Mieux que ça, The Artist n’est pas un long-métrage nostalgique de ces années 20. Mais un film tout droit sorti de cette époque ! Car tous les codes des films muets ont été repris : aucun son hormis une bande originale surexpressive (qui pousse souvent le bouchon pour faire exprimer un sentiment, une émotion), des tableaux qui s’incrustent à l’image en tant que répliques des personnages (quand la compréhension de l’image ne suffit pas), un noir et blanc somptueux qui offre énormément de charme (voire de poésie) à la photographie… Sans compter le jeu des acteurs, qui balance aisément entre surjeu et dramatisme, offrant un charisme monstre aux comédiens (Dujardin et Bejo en tête), qui dévoilent un talent insoupçonnable (notamment Dujardin, habitué de la comédie ou de films sombres qui passent inaperçus en salles).
Plus qu’un « film muet de plus », The Artist est une véritable œuvre artistique (ne voyez pas là un jeu de mot avec le titre). Outre sa photographie et sa bande originale d’une poésie intense, le film se permet quelques moments de pure expérimentation sensorielle, en adéquation avec le style du long-métrage. À savoir une séquence finale où tous les personnages se mettent soudainement à parler, comme si le film en lui-même n’était qu’un spectacle en pleine répétition. Ou qui tout simplement marque le passage du muet au parlant. Ou encore une scène de rêve (ou plutôt de cauchemar, vu les circonstances) durant laquelle le personnage principal, toujours muet, fait face à un monde où le son se fait entendre (les bruitages de gouttes d’eau, d’objet posé et autres). Preuves que The Artist est une œuvre grandement travaillée.
Après, évidemment, il est rare de tomber sur un film parfait. Et dans le cas de The Artist, son défaut provient de son atout. Si le film de Michel Hazanavicius est une véritable prouesse en tout point, il faut bien avouer que ce dernier se montre longuet par moment (alors que le film ne fait qu’1h40, c’est pour dire !). Comme la séquence du début où le personnage de Dujardin fait son show sur scène, qui doit durer cinq bonnes minutes alors que deux auraient suffit. Et ce genre de passages qui s’étirent inutilement, le film en regorge. Et du coup, avec ce manque de sons et de paroles, l’ennui pointe le bout de son nez un peu trop souvent, gâchant un peu le charme de l’ensemble et laissant un léger goût amer au rendu final. Car, honnêtement, la note maximale n’était vraiment pas loin !
Il n’en reste pas moins que The Artist est un bijou du cinéma, ni plus ni moins ! Véritable déclaration d’amour au 7ème art de la part de Michel Hazanavicius qui s’est grandement battu pour lui donner naissance (je vous renvois à la genèse et à la production de The Artist). Et grâce à lui, le monde entier porte un regard différent sur la France, montrant que nous sommes bien capables de livrer de véritable film à part entière.