The Artist est un film muet conventionnel, augmenté en puissance par le potentiel des nouvelles technologies appliqués au noir et blanc. Il est beau et il nous étonne parce que c'est le premier film muet de l'ère du sonore. C'est un film-camée. Tout en lui est un tribut à l'histoire du cinéma muet, mais c'est aussi une raillerie du cinéma d'aujourd'hui (es. le doigt d'honneur au début du film, qui ne se serait jamais passé dans les années '20, les rares moments de sonore, etc.).
Le sonore est utilisé pour accentuer la différence entre le vieux et le nouveau. Un nouveau qui représente l'homme augmenté, interconnecté, l'Homo Technologicus dont parle Giuseppe Longo: http://www.quadernidaltritempi.eu/rivista/numero24/mappe/q24_m02.htm. Et c'est un homme accablé par l'excès d'informations qui devient bruit de fond et il lui empêche le mouvement.
Le film termine avec un tribut final à la naissance du musical et le réalisateur conclut avec le respire fatigué des deux danseurs/acteurs à souligner l'effort mis dans ce film, pour en fin revenir « à la voix », soit à la vie réelle, parce que on peut toujours vivre dans la nostalgie du passé, mais à un bon moment le film fini.
Plein de références à Orson Welles avec les images en contrechamp au moment du climax du film, à la malheureuse historie de Alla Nazimova et à sa « Salomè » manquée (http://fr.wikipedia.org/wiki/Alla_Nazimova) ou encore à « Boulevard du crépuscule » (http://fr.wikipedia.org/wiki/Boulevard_du_cr%C3%A9puscule) et au slapstick en style Charlie Chaplin, quand George Valentin joue avec son chien savant.
Donc, vraiment un beau film. Un peu long, je dirais. Si les films muets ne duraient plus qu'une heure ce n'était pas juste parce qu'il y avait des limites techniques, mais aussi parce que tenir l'attention des gens pour une heure sur des images qui passent et de la musique classique comme musique de fond, c'est effectivement une entreprise difficile.
Par contre, je pointerais aussi l'attention sur une scène dont, pour presque un minute, Bérénice Bejo inquiète, ne fait rien d'autre que se frotter les mains. Le détail est vraiment spécial, quelque chose qu'on aurait jamais pu voir en un film des années '20, dont le détail est toujours sur un gros plan avec caméra fixe.
Je vous souhaite une bonne vision :)
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