S'allonger dans l'herbe, écouter les bruits de la nature, profiter de la beauté de la voûte céleste... Peut-être que c'est cela qui s'approche le plus de mon ressenti lors du visionnage de The Assassin. Mais il est difficile de réduire ce film à quelque chose d'aussi simple tant l’œuvre a de choses à offrir. Elle les délivre tranquillement, de manière épurée, construisant petit à petit une expérience cinématographique aussi unique que mémorable.
Le long-métrage tend vers un refus quasi total du spectaculaire. Les différents affrontements, parfois entraperçus à travers des arbres, ne durent jamais plus de quelques secondes et se terminent toujours abruptement, par la fuite ou l'abandon de l'un des opposants. Le peu que l'on peut apercevoir fait preuve de chorégraphies dynamiques et d'un montage étudié. La bande-sonore aide à sublimer ces scènes grâce à une très belle gestion du silence, rompu uniquement par le bruit des armes qui s’entrechoquent.
Même en dehors de ces moments d'action, le film ne s'autorise que rarement le luxe de la musique, préférant mettre en avant, en toute sobriété, le piaillement des oiseaux et le souffle du vent. Cela permet de profiter du jeu très en retenu des acteurs tout en accentuant la majesté (voire la sagesse) qui se dégage de chaque plan. Ces derniers sont souvent étirés ; ils commencent parfois un peu avant que les personnages rentrent dans le champ et se terminent après leur sortie, par des fondus au noir renforçant le sensation de flottement de l'ensemble.
Cette sensation se retrouve directement à l'écran grâce aux mouvements des tissus, celui des imposants costumes comme celui des rideaux, soulevés par une brise paresseuse venue de l’extérieur. Cela donne vie aux images extraordinairement bien composées par Hou Hsiao-Hsien, qui possèdent la même particularité que Ran : on peut arrêter le film à n'importe quel moment et tomber sur une image tout à fait époustouflante. La photographie est à la hauteur des ambitions esthétiques colossales du réalisateur. Les environnements, intérieurs comme extérieurs, sont d'une beauté qui sera difficile à égaler (et qui envoie The Revenant dans les cordes, accessoirement).
Le seul aspect qui pourrait sembler en deçà du reste est d'ordre scénaristique : la narration houleuse rend le scénario plutôt abscons (et mon incapacité à distinguer les acteurs n'a pas aidé). Pourtant, je pense que le réalisateur nous incite à nous plonger à corps perdu dans son film, avec le sentiment de sagesse et de majesté qui s'en dégage comme seule boussole. The Assassin perdra une partie du public en chemin, c'est certain, mais il n'en est pas moins une réussite totale, qui remet la notion de chef-d’œuvre en question.