Il est rare que je me laisse a ce point transporter par un film qui met autant en avant ses qualités purement formelles et esthétiques plutôt que son intrigue. Je n'ai jamais tellement aimé occulter le scénario pour uniquement me concentrer sur l'ambiance et les images, et pourtant The Assassin m'a captivé.
On m'avait dit pourtant qu'on s'en foutait un peu de l'intrigue, que l'atmosphère suffisait presque entièrement au film, et ça m'inquiétait un peu, ce genre de trucs d'habitude ça prend pas chez moi, quand un film te propose une intrigue il doit l'assumer jusqu'au bout. Mais dans The Assassin, elle n'est qu'un prétexte pour voir les personnages évoluer dans un univers qui semble tout droit sorti d'un conte.
Chaque plan est un tableau de maître, que ce soit en terme de composition, de lumière, de décors... La plupart du temps j'avais envie de rentrer dans le cadre tellement je trouvais ça beau. Et ce qui l'est encore plus c'est que le réal a conscience de la beauté de ses plans et les étire au maximum pour que l'on puisse bien s'extasier devant. Certains diront que c'est trop long, mais étant immergé a fond dans le truc je n'ai absolument pas senti le temps passer. Ça me réjoui de voir des films comme ça avec derrière un réalisateur esthète qui est en constante recherche du beau pur et insaisissable, du beau pour faire du beau.
Il y a des tas d'éléments qui donnent au film une fluidité et une légèreté assez particulière. Parfois le temps semble s'arrêter, on n'entend plus que le son de la nature et une lumière chatoyante envahit l'espace. Magnifique. Les combats sont très brefs et la façon dont ils sont amenés et mis en scène est assez surprenante, la caméra est posée, les personnages sembleraient presque voler, mais lorsque les coups retentissent ils sont secs et transcendent le calme aérien du film.
Une scène traduit parfaitement cette atmosphère aérienne et onirique, celle ou l'héroïne épie son frère discutant avec son épouse, et toute la scène est filmé derrière des rideaux transparents bougeant au gré de la brise nocturne. L'éclairage est sublime et on respire complètement cette ambiance éthérée ou la légèreté se mêle à la gravité de la situation, une scène à la fois lumineuse et pesante.
Et bien sur ce plan fixe de rêve à la fin du film qui dure super longtemps, on voit la nonne immobile et sereine sur le haut d'une crête, fixant l'horizon, et la une brume épaisse s'installe et envahit lentement le cadre. C'est divin.
Du coup maintenant j'ai envie de parler du scénario même si j'ai pas tout saisi, néanmoins les enjeux principaux sont assez clairs : une histoire de dilemme shakespearien entre une assassine qui doit choisir entre tuer son cousin et ex-fiancé devenu gouverneur, ou alors quitter l'ordre des assassins dont elle fait partie. En réalité c'est un peu plus tortueux que ça, mais le plus important je pense est ce portrait éblouissant qu'on nous offre de la Chine féodale du IXème siècle. C'est assez rare de comprendre et s'imprégner autant d'une époque au travers d'un simple film de sabre.
Je crois que c'est mon tout premier Wu Xia Pian et j'ai aimé ce que j'ai vu, j'aurais peut être voulu m'attacher un peu plus émotionnellement a cette héroïne, mais ça reste l'une de mes meilleures expériences cinématographiques de ces 5 dernières années car elle constitue une vraie découverte d'un genre et de sensations qui m'étaient jusqu'alors inconnus. Un beau moment de rêverie.